Vivek Raman (Etherealize) : “Nous sommes en train de lever des fonds auprès d’acteurs privés”

Vivek Raman (Etherealize) : “Nous sommes en train de lever des fonds auprès d’acteurs privés”

Etherealize veut devenir le pont entre Ethereum et la finance traditionnelle. Son cofondateur Vivek Raman détaille sa stratégie, son modèle économique… et annonce une levée de fonds ainsi que des futurs produits à destination des institutionnels.

Pourquoi les entreprises ont-elles autant de mal à établir des liens directs avec l’écosystème Ethereum ?

La réponse tient dans la nature d’Ethereum. Ethereum est décentralisé, ce qui est à la fois sa plus grande force… et son plus grand défi pour les entreprises. Contrairement à une entreprise comme Apple, qui a une force de vente, un marketing, un organigramme clair, Ethereum fonctionne comme une infrastructure publique, un protocole, un peu comme Internet.

Il n’y a pas de service commercial d’Ethereum. Il n’y a pas de ligne directe à appeler pour parler à un représentant d’Ethereum. Et c’est normal : c’est précisément ce qui garantit sa neutralité. Mais pour les institutions, cela rend la prise de contact difficile, voire déroutante.

Certaines disent que la Fondation Ethereum aurait dû jouer ce rôle. Mais ce n’est pas aussi simple. La Fondation a fait face à une pression réglementaire intense pendant des années. Elle a dû faire très attention à ne pas agir comme une entreprise, pour ne pas compromettre la nature décentralisée du réseau. Et elle a bien fait : Ethereum a franchi cette étape critique sans devenir une cible réglementaire comme d’autres L1 plus centralisés.

Ce que font aujourd’hui les autres blockchains – Solana, Avalanche, Ripple – c’est une forme de raccourci. Leur fondation agit comme une entreprise commerciale, démarche activement les clients. C’est plus simple à court terme, mais ça pose des problèmes à long terme.

La solution n’est donc pas de centraliser Ethereum, ni de transformer l’EF en entreprise commerciale. La solution, c’est d’avoir des structures comme la nôtre, indépendantes, alignées avec les principes d’Ethereum, mais capables de jouer ce rôle de point de contact. C’est exactement ce que fait Etherealize : nous sommes cette interface que les entreprises peuvent appeler, cette voix humaine qui peut les accompagner.

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Votre structure a été officiellement lancée en janvier. Quelle est l’histoire derrière Etherealize ?

L’histoire est à la fois très personnelle et très révélatrice de l’évolution de l’écosystème. J’ai passé dix ans à travailler sur les marchés financiers traditionnels, à Wall Street, dans des institutions comme Morgan Stanley, UBS, Deutsche Bank – deux banques européennes – et Nomura. J’y traitais des produits de crédit : obligations, prêts, CDS (credit default swaps)… Ce sont des instruments complexes, pas très sexy, mais qui représentent une part énorme de l’allocation des banques et des gestionnaires d’actifs. C’est un marché bien plus vaste que celui des actions. Pendant cette décennie, j’ai noué beaucoup de relations avec les acteurs du buy-side et du sell-side, y compris en Europe.

Mais ce qui m’a frappé, c’est l’absence totale d’innovation technologique sur ces marchés. Tout est encore géré à l’ancienne, avec des systèmes de règlement dignes de l’âge de pierre. Alors que les produits sont sophistiqués, l’infrastructure reste incroyablement obsolète. C’était à la fois frustrant et démotivant. En quittant ce monde, j’ai découvert Ethereum, assez tardivement d’ailleurs – en 2020, 2021 – donc je ne me considère pas comme un « OG » de la communauté. Mais en tant qu’ancien trader, ça m’a sauté aux yeux : ces produits de crédit doivent vivre sur une blockchain publique, transparente, programmable. Pour moi, c’était une évidence.

J’ai donc commencé à travailler à l’adoption institutionnelle d’Ethereum. J’ai passé quatre ans à essayer de rapprocher Wall Street et Ethereum, souvent dans l’ombre, à travers un petit cabinet d’investissement crypto doté des licences nécessaires pour travailler avec les banques. Mais entre 2021 et 2023, il y avait peu d’intérêt : pas de cadre réglementaire, pas d’incitation. Et puis en 2024, tout a changé. L’ETF Ethereum, les annonces de BlackRock, l’évolution politique… Les institutions ont non seulement commencé à s’intéresser, mais elles ont ressenti une vraie FOMO. Les rendez-vous se sont multipliés, les discussions sont devenues sérieuses.

C’est là que je me suis dit : ce travail informel doit devenir une structure à part entière. On a donc lancé Etherealize avec plusieurs cofondateurs, dont Grant Hummer. On a aussi reçu un signal de soutien de la Fondation Ethereum et de Vitalik Buterin lui-même. C’était important, car la Fondation ne fait généralement pas de business development. Mais là, ils nous ont dit : « Allez-y. Soyez ce point de contact pour les institutions. Apportez du capital et des actifs à Ethereum. » Ce n’était pas un soutien financier massif, mais un signal clair de légitimité. Et pour les banques, la légitimité, c’est clé.

Depuis ce lancement, tout s’est accéléré. On a eu énormément de traction, de réunions, d’intérêt pour la tokenisation d’actifs. Danny Ryan m’a rejoint comme cofondateur, parce qu’on partageait exactement la même vision : Ethereum est passé de la phase de construction de l’infrastructure à celle de l’adoption mondiale. On a aussi intégré Zach O’Brien, l’un des meilleurs ingénieurs de l’écosystème, et Grant est toujours là. Bref, on a une équipe solide. Tout cela répond à un besoin réel du marché : aujourd’hui, les blockchains doivent aller vendre leur technologie. Ce n’est plus seulement une affaire de développement technique.

“On ne peut pas faire de l’institutionnel sans cette dimension politique”

Comment définiriez-vous la mission d’Etherealize ? Certains parlent d’un rôle de business development, d’autres d’un travail de lobbying. Quelle est votre véritable rôle ?

Notre mission peut se résumer en une phrase : connecter le monde institutionnel à l’écosystème Ethereum. Mais concrètement, cela recouvre plusieurs dimensions complémentaires. D’abord, oui, nous avons une fonction de business development et de marketing, au sens classique du terme, mais au service d’une blockchain publique. Ethereum est aujourd’hui la plateforme la plus neutre et la plus robuste pour accueillir des actifs de grande valeur, mais il manquait jusqu’ici une entité pour le promouvoir activement auprès des acteurs institutionnels. Notre rôle, c’est donc d’incarner ce front commercial, de porter ce message de manière structurée.

Mais ça ne suffit pas. Le deuxième pilier, c’est le travail de politique publique. Le contexte réglementaire évolue très vite, et si vous voulez faire le lien avec les institutions, vous devez impérativement avoir un pied dans les discussions qui se tiennent à Washington. Vous ne pouvez pas simplement arriver avec une technologie : il faut comprendre les dynamiques législatives, les contraintes juridiques, et si possible, y contribuer. On ne peut pas faire de l’institutionnel sans cette dimension politique.

Et enfin, il y a un troisième axe, qui est plus produit. Parce qu’en allant sur le terrain, en discutant avec les banques, on identifie immédiatement des obstacles très concrets. Des problèmes de KYC, de confidentialité, de conservation d’actifs, etc. Les institutions ne vont pas se contenter d’un wallet Metamask pour gérer des milliards. Il faut donc construire des solutions adaptées, réduire la friction. Et pour cela, on a une équipe d’ingénierie interne très solide, notamment avec Danny Ryan et Zach O’Brien, qui nous permet de prototyper ou développer ce qui manque.

Qui sont vos concurrents actuellement ? Existe-t-il d’autres structures qui remplissent un rôle similaire au vôtre ?

C’est une bonne question, mais la réponse n’est pas évidente, car notre approche est assez inédite. Il n’existe pas, à ma connaissance, d’autre structure qui incarne cette mission spécifique de représentation d’Ethereum auprès des institutions financières. Cela étant dit, il y a des efforts qui sont très complémentaires.

Par exemple, ConsenSys a joué un rôle majeur dans l’adoption institutionnelle d’Ethereum en 2017-2018. Aujourd’hui encore, ils construisent des produits formidables, comme Metamask ou Linea, leur rollup. Nous avons d’excellentes relations avec Joe Lubin, qui a beaucoup fait pour Ethereum, notamment en finançant de sa poche une grande partie de la première vague d’adoption entreprise. Et aujourd’hui, il nous soutient. Il nous a même dit : « Allez-y, prenez le lead sur Wall Street. » Et ça fait sens : parfois, il faut un nouveau visage, un nouveau discours, pour réactiver certains réseaux. J’ai encore beaucoup d’énergie, je suis perçu comme un acteur émergent, ce qui est parfois plus efficace pour ouvrir des portes.

On est aussi très proches de l’Enterprise Ethereum Alliance (EEA), dont nous sommes membres. Leur réseau d’entreprises est impressionnant. Leur directeur exécutif, Redwan Meslem, est d’ailleurs Français. On travaille aussi avec Paul Brody chez EY (lire son interview). Et bien sûr, on reste en lien avec la Fondation Ethereum, qui a un rôle complémentaire au nôtre.

Cela dit, si je devais nommer des « concurrents », ce seraient plutôt les autres blockchains de layer 1. Car elles, elles vont toutes faire du démarchage institutionnel. Solana, par exemple, a une fondation qui va sur le terrain, qui prend des rendez-vous, qui pousse ses solutions. Avalanche aussi. Ripple encore plus. Et quelque part, c’est logique : leurs fondations fonctionnent comme des entreprises centralisées, elles ont des produits à vendre. Ethereum, lui, est un protocole décentralisé. La Fondation Ethereum ne fait pas de business development. Mais c’est aussi ce qui justifie notre existence : combler ce vide, sans changer la nature d’Ethereum.

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Que pensez-vous du 2077 Collective, une structure communautaire censée travailler sur le marketing d’Ethereum, qui fait actuellement beaucoup parler de lui dans l’écosystème ?

Je n’ai pas de position tranchée ou définitive sur le sujet, mais je pense que c’est une bonne chose dans l’ensemble. L’écosystème Ethereum avait clairement besoin d’initiatives de marketing. Et c’est justement ce que 2077 essaie de faire, avec une approche plus narrative, plus orientée culture et communauté. Emmanuel Alseika, qui pilotait l’initiative, est quelqu’un de très intelligent. Il a apporté une vision différente, en essayant de bâtir un imaginaire autour d’Ethereum, en s’inspirant peut-être des codes de la pop culture, de la science-fiction, etc.

Je comprends parfaitement l’intérêt d’avoir des initiatives plus communautaires, plus expérimentales. Est-ce que tout fonctionne ? Non, bien sûr. Est-ce que c’est parfois brouillon, ou confus ? Oui, probablement. Mais c’est comme dans l’univers des start-ups : il faut plein de tentatives, plein d’essais. La majorité échouera, mais certaines initiatives réussiront à fédérer, à créer une nouvelle dynamique. Et je pense que 2077  Collective fait partie de ces expériences qu’il faut encourager. Il faut beaucoup d’essais pour qu’une initiative prenne réellement. Donc, oui, je respecte Emmanuel, je trouve qu’il apporte quelque chose de neuf, même si notre feuille de route à nous est différente.

“Etherealize est une structure à but lucratif”

Êtes-vous une structure à but lucratif, ou plutôt un organisme non-profit ?

Non, Etherealize est une structure à but lucratif. C’est un choix assumé, et je pense qu’il est important de le dire clairement. Une grande partie de l’écosystème Ethereum a été historiquement portée par des initiatives non-profit, avec des modèles très altruistes – ce qui est admirable, mais qui ne permet pas toujours de scaler efficacement. Ce que nous voulons, c’est créer une entité pérenne, qui puisse grandir, embaucher, investir, et se développer à la manière d’une startup technologique. Pour cela, il faut générer des revenus.

Maintenant, soyons clairs : notre activité de business development, de marketing ou d’influence politique n’a pas pour but de générer du chiffre d’affaires. Ce sont des fonctions nécessaires au bon développement de l’écosystème Ethereum, et nous les assumons comme telles. Mais c’est justement parce que nous avons aussi une ambition produit que nous pourrons générer des revenus. Lorsqu’on aura identifié, avec les institutions, des besoins concrets non couverts, on développera des solutions adaptées, et là, il y aura une logique de monétisation. L’idée, c’est d’être présent là où il y a de la valeur à créer, notamment sur ce qu’on appelle la « couche applicative » (app layer). Et ce modèle est totalement compatible avec la philosophie d’Ethereum.

Comment avez-vous financé vos débuts ?

Nous avons démarré avec une subvention de la Fondation Ethereum. Ce n’était pas une somme énorme, mais c’était suffisant pour poser les premières bases. Le plus important, c’était le signal que cela envoyait. Car la Fondation Ethereum ne soutient pas souvent ce type d’initiatives, encore moins dans le domaine du business development. Le fait qu’ils nous accordent ce soutien, même modeste, montrait une reconnaissance de la légitimité et de l’importance de notre mission.

Mais pour construire Etherealize à l’échelle qu’on souhaite, cette subvention ne suffisait pas. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui en train de structurer une levée de fonds auprès d’acteurs privés, dans une logique de développement long terme. Le soutien de la communauté Ethereum a aussi été crucial, notamment pour construire notre réputation, obtenir des relais et élargir notre réseau. Encore une fois, il ne s’agit pas d’un financement massif au départ, mais d’une dynamique que nous construisons progressivement, avec une vraie stratégie derrière.

Vous mentionniez une levée de fonds privée : est-ce une annonce imminente ?

Pas encore. On travaille activement dessus, mais on ne va rien annoncer tout de suite. Cela dit, c’est une étape importante pour nous. Aujourd’hui, tout l’écosystème Ethereum est dans une dynamique de soutien. Beaucoup de gens détiennent de l’ETH, ils veulent voir le protocole prospérer. Même si le prix d’ETH n’a pas autant performé que d’autres actifs récemment, l’adoption est réelle, tangible, et tout le monde comprend ce que ça implique à long terme.

Il y a donc un véritable alignement d’intérêts. Les gens veulent qu’ETH réussisse. Et cela se traduit par du soutien, des discussions, des intentions d’investissement. On est en train de rassembler tout cela, de structurer notre stratégie, et quand on sera prêts, on annoncera quelque chose. Mais ce ne sera pas pour tout de suite. On veut faire les choses proprement, avec les bons partenaires, et dans le bon timing.

“On veut construire des solutions co-conçues avec les utilisateurs finaux, à partir de leurs besoins réels”

Avec ces fonds, avez-vous pour projet de lancer un produit concret ?

Oui, tout à fait. Le but de cette levée de fonds, ce n’est pas seulement de financer nos activités actuelles, c’est aussi – et surtout – de pouvoir développer des produits qui apportent de la vraie utilité à Ethereum, en particulier sur le thème de la tokenisation des actifs réels (RWA). On pense qu’Ethereum doit accueillir bien plus d’applications, et que celles-ci doivent être accessibles sur l’ensemble des L2. C’est là-dessus qu’on veut concentrer nos efforts.

Mais on veut que cette logique produit soit tirée par la demande. C’est pourquoi notre première étape, aujourd’hui, consiste à aller parler à toutes les institutions de Wall Street. Comprendre leurs points de blocage, leurs besoins, leur vision de la tokenisation. Où en sont-elles ? Qu’est-ce qui manque pour qu’elles franchissent le pas ? Et ensuite, sur cette base, on pourra concevoir des produits qui ont une vraie utilité. Il ne s’agit pas de construire pour construire. Dans la crypto, on voit souvent des équipes qui développent des choses selon leur propre vision du monde, sans tenir compte de la réalité du marché. Résultat : ces produits ne sont pas utilisés à grande échelle. Nous, on veut faire l’inverse. On veut construire des solutions co-conçues avec les utilisateurs finaux, à partir de leurs besoins réels.

Les institutions ont des contraintes très spécifiques. Elles ont besoin de solutions pour la confidentialité, pour la garde d’actifs, pour le KYC… Ce sont des choses que l’utilisateur crypto lambda prend pour acquises ou ignore, mais qui sont absolument centrales pour une adoption institutionnelle. C’est là que nous interviendrons.

Dans un écosystème crypto où beaucoup de projets lancent leur token, envisagez-vous d’en créer un ?

Franchement, je ne sais pas. Ce n’est pas prévu pour le moment. Personnellement, j’aime beaucoup ETH. Je pense que c’est un token extraordinaire. Et je suis aussi très favorable au modèle de développement « pré-token », comme ce qu’on a vu chez Uniswap ou Aave avant qu’ils ne lancent leurs propres jetons. C’est un modèle sain, basé sur la génération de revenus réels. Des frais qui viennent d’une véritable activité économique, qui peuvent ensuite être capturés ou redistribués. C’est un modèle éprouvé, scalable.

Je crois aussi à cette idée simple mais puissante : le token, c’est ETH. Ethereum dispose déjà de son jeton, et ce jeton a des propriétés économiques et techniques très solides. Donc pour l’instant, on se concentre sur le développement de produits, la création de valeur, et on verra par la suite si un token a du sens ou non. Mais ce n’est pas un objectif en soi.

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Quels sont les arguments que vous utilisez aujourd’hui pour convaincre les entreprises traditionnelles de rejoindre Ethereum ?

Ce qui est fascinant, c’est à quel point la situation a changé. Il y a quelques années, c’était extrêmement difficile d’engager une discussion sérieuse avec des institutions traditionnelles. Je me souviens de nombreuses réunions annulées, de refus de parler de crypto, voire d’une réticence totale à utiliser ne serait-ce que le mot « blockchain ». Le sujet était perçu comme toxique, spéculatif, voire dangereux.

Mais aujourd’hui, c’est l’exact inverse. La donne a complètement changé. Désormais, toutes les institutions financières sont quasiment obligées d’avoir une stratégie blockchain. De la même manière qu’après l’essor de ChatGPT, toutes ont dû développer une stratégie IA. C’est devenu incontournable. Et le point de départ de notre discours est simple : est-ce que vous croyez que, dans l’avenir, les actifs financiers – actions, obligations, fonds, etc. – seront tokenisés ? La réponse est presque toujours oui.

Et une fois ce constat posé, la question suivante, c’est : sur quelle infrastructure publique et neutre allez-vous les tokeniser ? Quelle est la plateforme la plus sécurisée, la plus éprouvée, la plus globale ? La réponse est claire : c’est Ethereum. Il n’y a pas de concurrent sérieux à ce niveau.

Ensuite, on entre dans les aspects plus pratiques : quel type de blockspace vous faut-il ? Certaines institutions veulent une chaîne dédiée, mais connectée à Ethereum – c’est là que les L2 personnalisés entrent en jeu. D’autres veulent accéder à la liquidité directement sur L1. Et là, Ethereum est également imbattable.

Enfin, à mesure qu’on discute avec ces acteurs, on découvre les points de friction : les contraintes réglementaires, les besoins de confidentialité, les exigences de conformité. Ce sont tous ces éléments qu’il faut prendre en compte si on veut vraiment construire des solutions adaptées. Mais le cœur de notre message reste toujours le même : les actifs seront tokenisés, et Ethereum est le terrain le plus neutre, le plus résilient et le plus adapté pour cela.

“Si vous regardez où sont les stablecoins, où sont les actifs tokenisés, où sont les applications sérieuses, la majorité est sur Ethereum”

En ce moment, beaucoup de discussions tournent autour du prix de l’ETH, souvent jugé décevant. Est-ce que cela inquiète les institutions avec lesquelles vous échangez ?

Ironiquement, non. Ce n’est pas une source d’inquiétude majeure. Les institutions ont une vision plus structurelle, plus long terme. Ce qu’elles voient, c’est qu’Ethereum – et plus largement l’écosystème EVM – dispose d’un avantage technologique et économique significatif. Si vous regardez où sont les stablecoins, où sont les actifs tokenisés, où sont les applications sérieuses, la majorité est sur Ethereum.

Le fait qu’Ethereum fonctionne sans interruption depuis presque dix ans est un argument très fort. Sa résilience, son niveau de sécurité, la maturité de son écosystème sont des atouts évidents. Les institutions reconnaissent cela.

Maintenant, il est vrai que certaines s’interrogent sur la performance relative d’ETH, notamment par rapport à Bitcoin ou à certains L1 alternatifs. C’est une réalité. Mais là encore, il faut remettre les choses en perspective. Le « trade Bitcoin » – c’est-à-dire le positionnement de BTC comme réserve de valeur – est en train de se matérialiser. Mais à bien des égards, Ethereum est une meilleure réserve de valeur. Il est conçu de manière beaucoup plus durable, avec une inflation faible, un rendement natif via la preuve d’enjeu, et une sécurisation par des validateurs plutôt que par des mineurs énergivores.

En plus, ETH capte la valeur générée par toute l’activité économique sur le réseau. C’est un actif économique, productif, et globalement mieux conçu. Le problème, c’est que cette réalité ne s’est pas encore pleinement reflétée dans le prix, ni dans la perception grand public.

Et pourtant, on voit des signaux forts : il y a des ETF sur l’ETH, une adoption croissante des stablecoins, une infrastructure réglementaire qui se met en place. Tout cela devrait se traduire dans le prix. Il y a donc un travail à faire pour mettre en lumière les qualités fondamentales d’ETH comme réserve de valeur et actif pivot de l’écosystème Ethereum. Et c’est une partie de notre mission aussi.

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Pensez-vous que la feuille de route d’Ethereum, très centrée sur les L2, a été une erreur stratégique ? Faut-il redonner la priorité au L1 ?

Non, je ne pense pas que ce soit une erreur. C’est une question légitime, mais il faut voir le long terme. Si une blockchain veut atteindre l’échelle globale, elle aura forcément besoin de solutions de type L2. Ce n’est pas une hypothèse, c’est une nécessité. Augmenter la bande passante, réduire la latence, personnaliser les environnements… tout cela passe par des architectures modulaires comme les L2.

D’ailleurs, les autres blockchains qui aujourd’hui se vantent d’être rapides et peu chères auront, tôt ou tard, le même défi à relever. Elles devront elles aussi adopter des L2. Avalanche, par exemple, parle déjà de sous-réseaux, ce qui est une forme de L2. Donc ce n’est pas une question propre à Ethereum.

Ce que je pense, en revanche, c’est qu’Ethereum a peut-être trop dépriorisé le L1 pendant un moment. Il aurait fallu en parallèle faire avancer la scalabilité du L1, notamment pour accueillir des applications à forte valeur ajoutée, comme les actifs tokenisés. La bonne nouvelle, c’est que ce virage est en train de s’opérer. Vitalik Buterin, Tomasz Stańczak et d’autres membres de la Fondation ont récemment affirmé que le L1 devait redevenir une priorité stratégique.

On voit donc émerger une feuille de route pour augmenter la capacité du L1, tout en poursuivant l’optimisation des L2. C’est une combinaison gagnante. Ethereum a toujours été tourné vers le long terme, parfois trop peut-être. Nous, chez Etherealize, on vient justement rééquilibrer cela avec des initiatives plus orientées court terme, plus concrètes. Il faut des victoires rapides, des cas d’usage, des preuves de valeur. Et c’est ce qu’on s’efforce d’apporter.

>> Layers 2 Ethereum : état des lieux et défis

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