The Big Whale : Vous avez récemment obtenu votre enregistrement PSAN pour opérer des services d'échange et de conservation, quels sont vos plans ?
Fatih Balyeli : Exaion est déjà très actif dans la blockchain, notamment avec la gestion de nœuds RPC, de nœuds de validation et d'archives. Nous avons développé une activité de staking en interne, mais sans la proposer au grand public. Aujourd'hui, nous observons une augmentation significative des exigences du marché, notamment avec l'entrée progressive des grandes institutions bancaires et des fonds d'investissement, notamment grâce aux ETF Bitcoin et Ethereum.
Ces acteurs ont besoin d'un tiers de confiance capable de les accompagner tant sur la partie technique que sur la conservation des actifs. Dès le second semestre 2025, nous proposerons un service complet incluant la custody, le staking, le swap fiat-crypto, crypto-fiat et crypto-crypto (lire notre article dédié).
Peut-on dire qu'Exaion devient un broker institutionnel ?
Non, nous ne souhaitons pas nous positionner comme un acteur financier. Notre mission est de fournir une infrastructure hautement sécurisée permettant aux institutions financières de développer leurs propres activités blockchain. Nous proposons des services de custody et d'infrastructure, mais nous ne menons pas d'activités financières directement.
La custody est donc le cœur de votre nouvelle offre ?
Oui, la conservation des actifs numériques est un enjeu clé pour les institutions financières qui cherchent à entrer dans l'écosystème crypto en toute sécurité. Aujourd’hui, l’offre sur le marché est fragmentée, avec des acteurs proposant du staking sans fournir un service de custody adéquat. Chez Exaion, nous avons choisi d’intégrer ces services de manière cohérente et sécurisée pour offrir un package complet : custody, staking et swap.
Cela permet à nos clients institutionnels de bénéficier d’une solution fiable et conforme aux exigences réglementaires, sans multiplier les intermédiaires ni compromettre la sécurité de leurs actifs.
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Développez-vous votre propre stack technique ou travaillez-vous avec des partenaires comme Fireblocks, Dfns, Ledger ou d'autres ?
Nous avons fait le choix de développer notre propre stack technique afin de garantir une souveraineté totale sur nos infrastructures et une maîtrise complète des aspects sécuritaires. Cela nous permet d’adapter nos solutions aux exigences strictes des institutions financières tout en conservant une flexibilité d’évolution technologique.
Toutefois, nous restons ouverts aux partenariats si des solutions complémentaires peuvent enrichir notre offre sans compromettre notre indépendance et nos standards de sécurité.
Nos clients recherchent une infrastructure robuste qui leur permette de gérer leurs actifs numériques sans s’exposer aux risques des startups non certifiées
Vous utilisez une approche HSM pour la custody. Pourquoi ce choix plutôt que le MPC ?
Nous avons opté pour le HSM car il répond aux attentes des grandes institutions financières avec lesquelles nous travaillons. Ces acteurs privilégient cette technologie, car elle est éprouvée, conforme aux standards de cybersécurité les plus exigeants et reconnue par les régulateurs.
Bien que le MPC gagne en popularité, son adoption institutionnelle reste encore limitée en raison des interrogations sur sa robustesse à long terme et sa conformité réglementaire. Nous suivons néanmoins de près les évolutions du marché et restons ouverts aux innovations technologiques si elles s’avèrent pertinentes pour notre offre.
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Quel type de clients visez-vous ?
Nos services s'adressent principalement aux grandes institutions bancaires, aux intermédiaires de premier plan sur le marché des crypto-actifs et aux fonds d’investissement souhaitant entrer dans cet écosystème tout en respectant des standards stricts de conformité et de sécurité. Beaucoup d’acteurs traditionnels sont aujourd’hui freinés par le manque de solutions souveraines et réglementées, c’est là que nous nous différencions.
Nos clients recherchent une infrastructure robuste, opérée par un acteur reconnu et sécurisé, qui leur permette de gérer leurs actifs numériques sans s’exposer aux risques des start-ups non certifiées ou des solutions étrangères qui ne répondent pas aux critères de souveraineté et de régulation européenne.
Quelles sont vos différences par rapport à des acteurs déjà bien implantés dans la custody ?
Nous nous distinguons principalement par notre souveraineté, notre engagement environnemental et notre haut niveau de cybersécurité. Contrairement à de nombreux acteurs internationaux, nous offrons une solution 100% française et européenne, répondant aux exigences réglementaires locales et garantissant une indépendance totale vis-à-vis des infrastructures étrangères.
Par ailleurs, nous avons une approche très sélective des actifs et services que nous prenons en charge : nous privilégions la qualité à la quantité en nous concentrant sur des protocoles robustes et éprouvés.
"Si un jour la France décidait d'explorer la voie du mining de Bitcoin, nous serions ravis d’y contribuer"
Le fait d'être adossé à EDF vous offre-t-il un avantage ?
C’est un avantage majeur qui renforce la confiance de nos clients institutionnels. EDF est un groupe reconnu pour sa stabilité, sa rigueur opérationnelle et son engagement dans les technologies innovantes. Être une filiale d’EDF nous permet d’offrir des garanties en matière de souveraineté, de sécurité et de conformité que peu d’acteurs du marché peuvent revendiquer.
De plus, notre infrastructure est conçue pour être hautement sécurisée et décarbonée, ce qui correspond aux attentes croissantes des institutions financières en matière de responsabilité environnementale. Dans un marché où les scandales comme FTX ont montré les risques liés à certains prestataires, notre lien avec EDF nous permet d’incarner un acteur de confiance, transparent et régulé, offrant aux grandes entreprises une solution pérenne et fiable pour gérer leurs actifs numériques.
Quels protocoles gérerez-vous au lancement ?
Nous avons pour objectif d’offrir une sélection rigoureuse de protocoles dès le lancement de notre service de custody. Nous commencerons avec une short list d’environ cinq protocoles majeurs, parmi lesquels Bitcoin et Ethereum, qui sont incontournables pour les institutions. Nous avons déjà des services liés à Bitcoin, notamment avec notre solution Exaion Node. La seule chose que nous ne faisons pas, c'est le mining. Nous prévoyons également d’intégrer des blockchains comme Solana, qui connaît une adoption croissante, ainsi que d’autres réseaux qui répondent à nos critères de sécurité, de robustesse et de maturité technologique.
Notre approche est de privilégier la qualité à la quantité en nous concentrant sur des écosystèmes ayant déjà fait leurs preuves et qui bénéficient d’une adoption institutionnelle avérée. Par la suite, nous élargirons progressivement notre offre en fonction des évolutions du marché et des besoins de nos clients, tout en maintenant un haut niveau d’exigence sur les actifs que nous prenons en charge.
EDF pourrait-il utiliser son surplus d'énergie renouvelable pour miner du Bitcoin et constituer une réserve stratégique nationale, comme de plus en plus de pays semblent vouloir le faire ?
Ce n'est pas une décision qui nous appartient directement, mais qui relèverait d'une initiative nationale impliquant le gouvernement et le groupe EDF. Techniquement, nous avons les compétences et les infrastructures nécessaires pour accompagner un tel projet si une décision était prise en ce sens. Cependant, l'utilisation du surplus énergétique pour le minage de Bitcoin soulève des questions stratégiques, économiques et réglementaires qui dépassent le cadre d'Exaion.
Pour l’instant, notre priorité reste d'offrir des services de custody et d'infrastructure blockchain aux institutions, en garantissant une approche sécurisée et conforme aux exigences du marché. Si un jour la France décidait d'explorer cette voie, nous serions ravis d’y contribuer en mettant à disposition notre expertise et nos infrastructures adaptées.
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