Une ambiance digne du "Bull market". Depuis jeudi soir, et la décision d’une juge de New York dans le procès qui oppose la société américaine Ripple et le gendarme boursier américain (SEC), les marchés cryptos sont en forte hausse. La magistrate a en effet considéré que le XRP ne devait pas “forcément” être considéré comme un “titre financier” lorsqu’il est vendu sur le marché secondaire, c’est-à-dire sur une Bourse d’échange.
“Une vente qui a lieu sur le marché secondaire n’établit pas de lien direct entre Ripple et les acheteurs”, confirme Morgane Fournel-Reicher, avocate chez Kramer Levin, spécialisée dans les actifs numériques et le droit financier américain. “Ces derniers peuvent acheter le jeton XRP sans connaître la société Ripple, ni investir dans celle-ci”, rappelle-t-elle.
Cette analyse pourrait assimiler un jeton comme le XRP à une marchandise (commodity), même si la juge ne s'est pas expressément prononcée dessus. L’une des plus courantes est le pétrole. Les barils de pétrole sont achetés pour ce qu’il sont, peu importe l’entreprise qui les vend.
Cette approche est une excellente nouvelle pour l’écosystème crypto au moment où la SEC accuse de très nombreux projets d’être des “titres financiers”, et donc d’avoir été émis illégalement. Parmi eux, il y a notamment Cardano (ADA), Solana (SOL), Polygon (MATIC), Binance Coin (BNB), Cosmos (ATOM).
Même si la juge Analisa Torres a précisé que la décision pour Ripple ne concernait pas les autres projets cryptos, tout le marché s’est emballé.
La vente aux investisseurs institutionnels requalifiée
Est-ce que Ripple a pour autant gagné ? Loin de là ! Car la juge a estimé que la vente de tokens réalisée par Ripple auprès d’investisseurs institutionnels (entreprises, banques et autres) faisait du XRP un titre financier émis illégalement.
Selon les documents judiciaires, la start-up californienne diffusait depuis 2013 un prospectus destiné aux fonds d’investissements dans lequel elle liait la valeur du XRP au succès futur de l’entreprise. Le but de l’opération était évidemment de lever de l’argent.
Selon la SEC, Ripple aurait vendu en direct pour 729 millions de dollars de tokens à des investisseurs institutionnels. Et cela change tout, surtout lorsqu’on sait que les ventes sur le marché secondaire n’ont pesé, selon la SEC, que 1% dans le volume de trading du XRP. Le gros de l’affaire concerne les ventes aux institutionnels.
“Dans ce cas-là Ripple retirait une plus-value immédiate, la relation entre les deux parties était contractuelle, des conditions étaient posées pour la revente future”, souligne Morgane Fournel-Reicher.
Le problème, c’est que de nombreux projets cryptos nés depuis 2018 ont recours à cette stratégie. Très souvent, les créateurs de blockchains accordent de grandes quantités de tokens lors de ventes privées avant le lancement public du réseau. On surnomme ces projets des “VC Chains” pour désigner le fait qu’ils sont financées par des fonds de capital-risque.
Solana fait partie des plus connues, mais on peut également citer Aptos (lancée fin 2022) qui a levé 350 millions de dollars de cette manière.
“Il est important de noter que les institutionnels qui ont acheté directement auprès de Ripple peuvent se retrouver soumis à des litiges collectifs en tant que souscripteurs potentiels. C'est un domaine à surveiller de près, surtout si des VC de renom étaient impliqués”, a prévenu dans une note la société d’investissement britannique CoinShares.
Quelles règles après cette décision ?
Avant toute chose, il faut préciser qu’il est probable que Ripple fasse appel de la décision en raison des conséquences financières sur le volet institutionnel. La SEC peut elle aussi faire appel sur la partie dans laquelle elle n'a pas obtenu satisfaction. Réponse sous quelques jours.
"Les parties peuvent également demander à ce que l’affaire soit jugée sur le fond, donc remettre en question la décision en intégralité mais aucune n’a intérêt à le faire donc dun point de vue stratégique elles continueront de suivre la procédure de summary judgement", note Morgane Fournel-Reicher.
En attendant, l’écosystème crypto dispose d’une bien meilleure visibilité sur ce qui est assimilé à un titre financier et ce qui ne l’est pas.
"Si les tokens ne sont pas des securities lorsqu'ils sont proposés sur le marché secondaire, alors les plateformes ne courent pas de danger à les listes", souligne-t-elle. "On en revient à la problématique de base : les actifs numériques ne peuvent pas de facto être qualifiés d’instruments financiers selon les lois existantes aux États-Unis - contrairement à ce que prétend la SEC".