L’épée de Damoclès qui pendait depuis des mois au-dessus de la tête de Binance, et de son fondateur Changpeng Zhao, est finalement tombée.
Après des mois d’enquête, le gendarme boursier américain a annoncé lundi qu’il allait poursuivre en justice la plus grande plateforme de la planète. Si la filiale américaine est concernée, l'entité globale l'est également.
"(Changpeng) Zhao et des entités de Binance se sont rendues coupables d’une série de tromperies, de conflits d’intérêts, d’absence de transparence et d’un contournement calculé de la législation", a affirmé le président de la SEC Gary Gensler dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux.
“Ils ont trompé les investisseurs sur leurs pratiques de contrôle internes et manipulé les volumes de trading tout en maquillant activement l'organisation de la société”, a ajouté le patron de la SEC, qui mène une vaste offensive sur les cryptos depuis la chute de FTX en novembre 2022.
Au total, le document judiciaire 136 pages recense 13 infractions. Les plus importantes sont :
1/ La violation de la loi sur les titres financiers
Selon la SEC, Binance commercialise depuis des années des actifs numériques, les cryptomonnaies et tokens, qui sont en réalité des “titres financiers”. Or la réglementation sur le sujet est claire : pour la vente de titres financiers, un opérateur doit respecter de nombreuses règles, comme être enregistré auprès du régulateur comme émetteur de titres financiers ou disposer de prospectus sur les produits financiers, choses dont Binance US n’a évidemment jamais disposé.
2/ Cibler les clients américains avec Binance “monde”
Officiellement, Binance dispose d’une branche américaine qui lui permet de vendre ses services aux Etats-Unis. Sauf que, selon la SEC, les clients américains de Binance auraient été gérés à la fois par la branche américaine, régulée et dirigée par Brian Shroder, et l’entité globale, qui est dirigée par Changpeng Zhao.
Toujours d’après la SEC, Binance savait que certains de ses clients américains effectuaient des transactions sur la plateforme Binance.com alors qu'elle n'était pas enregistrée auprès des autorités américaines.
3/ L’opacité de Binance
Binance est accusé d’avoir mélangé dans ses comptes une partie de ses fonds avec deux de ses clients. La SEC évoque plusieurs centaines de millions de dollars. Reuters avait déjà sorti des informations à ce sujet il y a quelques semaines, et démenties par Binance, mais le document publié aujourd'hui semble les corroborer.
Toujours selon la SEC, une partie des fonds des clients de Binance auraient bénéficié à Changpeng Zhao via l’une des sociétés qui lui appartient : Merit Peak.
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Le processus n’en est qu’au début, mais les sanctions peuvent aller assez loin. "La justice américaine n'a pas de barème. Tout dépend de la gravité des faits, de l'ampleur du préjudice et surtout du caractère intentionnel des délits", explique un avocat.
D’abord sur un plan financier : dans ce genre de dossiers, les entreprises paient des pénalités sur les revenus qu’elles ont généré indûment aux Etats-Unis, et même en dehors. Or selon la SEC, Binance viole la loi américaine depuis 2018, autrement dit presque depuis le début de son activité qui a été lancée en… 2017.
Sur la base de cette information, et vu le niveau du volume d'affaires d'affaires de la société, l'amende pourrait atteindre plusieurs milliards de dollars, voire plus. Dans un communiqué, Binance a nié les faits qui lui sont reprochés et expliqué qu'ils attendaient d'en savoir plus pour réagir.
Puis sur un plan plus opérationnel : au-delà de l'impact financier des sanctions, la justice américaine peut prendre des mesures coercitives à l'encontre de l'entité américaine, comme sa fermeture pour violation de la loi ou alors imposer des conditions d'exercice qui rendent presque impossible toute activité.