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Salvador, BlackRock, Worldcoin… Interview avec Cryptio, l'un des leaders de l'audit crypto

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Salvador, BlackRock, Worldcoin… Interview avec Cryptio, l'un des leaders de l'audit crypto

Salvador, BlackRock, Worldcoin… Interview avec Cryptio, l'un des leaders de l'audit cryptoSalvador, BlackRock, Worldcoin… Interview avec Cryptio, l'un des leaders de l'audit crypto

Lancée en 2018 à Paris, Cryptio s’est imposée comme l’un des leaders dans la comptabilité et l’audit des activités crypto. Dans une interview avec The Big Whale, son cofondateur et CEO, Antoine Scalia, nous explique comment la start-up travaille.

The Big Whale : Lors d’une conférence récente à Londres, vous avez expliqué que Cryptio était une sorte de “back office crypto” pour n’importe quelle entreprise. Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire par là ?

Cryptio est une plateforme de données pour tout ce qui est comptabilité, conformité et audit en lien avec les cryptos. Nous aidons nos clients entreprises à gérer toutes leurs opérations crypto, et leurs besoins ne cessent de grandir à mesure que la régulation se met en place.

Avec quel type d’entreprises travaillez-vous ?

Nous travaillons avec 3 types d’entreprises.

Le premier type, ce sont les entreprises crypto. Ce sont historiquement nos premiers clients. Nous avons commencé à travailler dès 2018 avec ces acteurs, et aujourd’hui, nous travaillons avec des sociétés comme Uniswap, ConsenSys, Worldcoin, et la plupart des grandes fondations des blockchains.

Le deuxième type de clients, ce sont les États et autorités publiques. Nous avons aujourd’hui deux gros contrats avec des gouvernements. L’un de nos deux contrats est celui avec le gouvernement du Salvador. Nous gérons la comptabilité et l’audit de Chivo, qui est le portefeuille numérique soutenu par le gouvernement salvadorien.

Le 3ème type de client correspond à ce que l’on appelle les entreprises et produits crypto régulés, c’est-à-dire les banques, les plateformes d’échange et les émetteurs de stablecoin.

Qui sont les plus gros clients pour Cryptio ?

Les plus gros contrats, qui sont aussi les plus complexes, sont clairement ceux avec les acteurs crypto parce qu’il y a énormément de transactions à traquer. Les volumes sont colossaux.

Pour vous donner une idée, lorsque nous travaillons avec Metamask, qui est le portefeuille numérique de ConsenSys, nous devons traquer absolument toutes les transactions et cela représente plusieurs centaines de millions d’opérations par an.

Notre rôle est de donner à ConsenSys la vision la plus précise de l’activité de son portefeuille numérique. C’est un travail gigantesque qui est de plus en plus exigé par les régulateurs. C’est ce que le gendarme boursier américain (SEC) a récemment demandé à ConsenSys.

Qu’est-ce que la SEC a demandé exactement ?

Tout l’historique des transactions sur la blockchain. C’est très intéressant de travailler avec des entreprises comme ConsenSys parce qu’elles sont en train d’ouvrir une voie que des milliers d’autres entreprises crypto natives ou traditionnelles vont emprunter.

Comment travaillez-vous sur les données ?

Nous travaillons de deux manières différentes.

Soit nous partons de presque zéro et il faut récupérer toutes les données qui pourraient avoir un impact sur les comptes de la société. On parle essentiellement de données onchain. Il y a d’ailleurs une forme de paradoxe sur les données onchain parce que beaucoup de gens pensent que parce que ces données sont publiques, elles sont faciles à utiliser, alors qu’en fait c’est tout le contraire.

Si on prend le cas de Metamask, collecter et compiler les données est compliqué parce qu’il y en a beaucoup et sur plusieurs blockchains. Pour Metamask, nous ne sommes pas loin de 10 blockchains, et en plus il faut gérer les différentes transactions entre celles qui sont manuelles ou celles effectuées via des smart contracts.

Il faut donc compiler ces données et les rendre compréhensibles pour le régulateur et les auditeurs classiques (PWC, KPMG, EY, Deloitte, Mazars, etc), qui vont certifier les comptes. Pour faire tout cela, nous faisons tourner nos propres nœuds sur les blockchains pour accéder aux données. Nous sommes aussi capables de coupler ces données à celles des Exchanges et autres acteurs du marché.

Il y a aussi l’hypothèse où nous avons une source unique d’informations fiable et dans ces cas-là nous allons utiliser des modules que nous allons brancher à cette source d’information. C’est évidemment plus rapide et c’est ce que nous faisons avec certaines entreprises sur la comptabilité ou la réglementation comme MiCA en Europe.

Que faites-vous pour compiler toutes ces données sur la blockchain ?

Nous avons développé un outil pour cela : nos "indexeurs" permettent de récupérer les données sur les blockchains et de les réconcilier pour avoir à la fin une base de données nette.

Aujourd’hui, la plupart des outils comme Etherscan permettent d’avoir une bonne vision des choses sur la blockchain. Ils permettent d’avoir 95% des flux, mais il manque toujours 5%, et ce sont ces 5% que l’on est capables d’apporter en plus. Cela a beaucoup de valeur pour les auditeurs et les entreprises.

Vous pouvez retracer 100% des transactions ?

Nos indexeurs sont eux-mêmes audités pour garantir que nos données sont les bonnes. En fait, ce qui est très intéressant avec la blockchain c’est que ce n’est pas facile d’avoir toutes les données, mais par contre cela va très vite de vérifier si ce sont les bonnes données.

Vous pouvez facilement remonter les données et en utilisant 2 ou 3 nœuds vous pouvez vous assurer que tout est correct. Nous faisons cela à l’échelle chez Cryptio. Vous savez très vite si vous avez ou pas les bonnes données.

Quelle est la chose la plus compliquée pour Cryptio ?

C’est de récupérer toutes les données. Le plus important pour les régulateurs et les auditeurs d’une entreprise c’est d’avoir la certitude qu’ils ont toutes les informations sur toutes les transactions.

Est-ce que ce système aurait permis d’éviter FTX et d’autres scandales ?

Oui j’en suis totalement convaincu. Après il ne faut pas considérer que c’est la solution miracle. C’est une technologie très intéressante, mais nous manquons encore d’outils pour l’utiliser de manière optimum. Il y a un vrai gap technologique à combler avant que la blockchain soit vraiment une couche utilisée par tout le monde en toute confiance.

Comment va Cryptio ? Vous avez levé 10 millions de dollars en 2022. La rentabilité est-elle à portée de main ?

Nous ne sommes pas encore rentables, et ce n’est pas notre stratégie à court terme. Aujourd’hui, l’objectif est de continuer à nous développer - nous avons 65 personnes - sur un marché très prometteur et pour cela il nous faut de l’argent et il faut investir. La rentabilité est un très bon objectif, mais elle peut aussi parfois vous détourner de quelque chose qui est au moins aussi important : la croissance.

Avec l’accélération de la régulation, nous voyons clairement le marché de la comptabilité et de la conformité crypto s’agrandir. De plus en plus d’entreprises ont besoin de ces services. Nous allons donc lever de nouveau à court terme et nous n’avons aucun doute sur le fait que nous allons réussir à le faire et à consolider notre position de leader devant certains acteurs américains et israéliens.

À quel niveau se joue la compétition ? Est-ce que c’est une question de prix ou de produits ?

Il y a plusieurs niveaux d’analyse. Lorsque c’est pour une start-up crypto, le prix est clairement un élément clé parce que beaucoup d’entre elles sont encore petites et n’ont ni les budgets ni même les contraintes réglementaires de certaines grandes sociétés.

Pour ces entreprises crypto, il y a une vraie compétition sur le prix, mais nous avons décidé de ne pas nous lancer dans cette compétition qui tire les prix sans cesse vers le bas. Nous pensons que le plus important est d’offrir le meilleur produit.

À l’inverse, il y a le marché des entreprises classiques où le prix n’est pas le sujet. Pour ces entreprises qui sont très exposées d’un point de vue réglementaire, soit parce qu’elles sont cotées soit parce que leur activité est très encadrée, le prix d’un manquement à ses obligations réglementaires est beaucoup plus important que celui de nos services. Pour ces entreprises, la question ne se pose pas et ce sont surtout avec elles que nous travaillons.

Combien de clients avez-vous ?

Un peu plus de 500 clients répartis dans 25 pays. Le plus gros marché pour nous est aux États-Unis. Notre bureau historique est à Paris et notre plus gros bureau est à Londres. Nous avons aussi un bureau à New York. L’Asie fait partie des marchés que nous regardons, tout comme l’Amérique du Sud où nous avons de plus en plus de clients comme au Brésil, en Colombie ou au Salvador.

Le Salvador est connu pour avoir été le premier pays à faire du bitcoin une monnaie légale. C’était il y a trois ans, en septembre 2021. Vous travaillez avec le gouvernement salvadorien. Que faites-vous exactement avec eux ?

Au Salvador, le gouvernement a lancé il y a trois ans son propre portefeuille bitcoin, le wallet Chivo. Ce n’est pas un wallet obligatoire, mais le gouvernement pousse pour que les Salvadoriens et les entreprises l’utilisent. Notre rôle est de traquer les activités du wallet et de faire un reporting. Cela représente des dizaines de millions de transactions par mois.

Il y a beaucoup de débat sur l’usage du bitcoin au Salvador. Vous connaissez très bien l’activité de Chivo. Pourriez-vous dire que c’est un succès ?

Je ne peux pas rentrer dans tous les détails, mais au niveau global, les choses se développent bien au Salvador. Que ce soit le nombre d’adresses ou les volumes de transaction, tout est en hausse. Le gouvernement est très proactif sur le sujet.

Vous suivez les activités du Chivo. Est-ce que vous faites pareil sur les activités du gouvernement qui développe tout un programme d’obligations souveraines adossées au bitcoin ?

Je ne peux pas commenter ce sujet.

Vous travaillez donc avec des start-up crypto, des gouvernements et aussi des entreprises plus traditionnelles. On a vu récemment des acteurs comme BlackRock accélérer sur le sujet. Qu’est-ce qui les intéresse le plus dans la crypto ?

Cela fait longtemps qu’on attend l’arrivée des acteurs traditionnels, donc c’est une bonne chose qu’ils arrivent enfin ! Nous travaillons avec quelques-uns de ces nouveaux acteurs traditionnels, comme Bancolombia en Colombie. Ils sont en train de développer leur propre stablecoin peso et d’autres produits pour leurs clients.

Nous travaillons aussi avec des fournisseurs d’ETF américains et on sent un vrai changement aux États-Unis. Cette évolution vers plus de régulation valide notre thèse qui est de dire que le secteur crypto va profiter de la régulation.

L’autre activité où nous voyons beaucoup de traction, c’est du côté des paiements. On parle évidemment des banques, mais aussi des géants du paiement qui créent des nouveaux canaux de paiement via la blockchain.

Ces acteurs ont compris que les blockchains étaient des nouveaux rails de paiement très efficaces et ils commencent à s’en servir. Le phénomène est d’autant plus important qu’il y a désormais des stablecoins très efficaces.

C’est aussi intéressant de voir des géants de la finance passer de projet en interne à des produits live. C’est comme un marathon : on franchit les bornes les unes après les autres. Nous sommes en train d’en passer une nouvelle.

Mais je ne veux pas non plus me montrer trop optimiste parce que nous sommes là depuis six ans avec Cryptio, que chaque année on dit que c’est la bonne année pour l’institutionnalisation, et que ce n’est pas encore le cas ! Donc restons prudents.

Quand vous êtes BlackRock, Goldman Sachs ou BNP Paribas, qu’est-ce qui vous intéresse dans la crypto ?

Plusieurs choses, mais fondamentalement ce qu’ils recherchent est la rentabilité, ce qui est normal, ce sont des entreprises qui veulent gagner de l’argent. Le lancement des ETF Spot en est d’ailleurs le meilleur exemple, même si la forte compétition les empêche de faire beaucoup de marges.

Ce qui est intéressant avec BlackRock et les autres géants de la finance, c’est qu’ils ont compris qu’il fallait commencer avec les ETF Bitcoin qui sont des produits simples à comprendre et grand public pour aller progressivement vers des produits crypto plus complexes, plus niches, mais aussi plus rentables comme avec de la tokenisation.

L’un de ces produits très intéressants est leur fonds Buidl, qui est un fonds monétaire tokenisé créé sur Ethereum. C’est un vrai produit de niche dédié aux entreprises qui ont beaucoup de stablecoins et qui voudraient accéder à des fonds monétaires très régulés et sécurisés.

Vous êtes présents un peu partout sur la planète. Quelle est pour vous aujourd’hui la région la plus dynamique ?

Pour notre activité, je dirais clairement l’Amérique du Sud, sans hésiter. C’est vraiment là-bas que les choses vont vite, il y a beaucoup d’opportunités parce que la blockchain ne vient rien remplacer, mais vient créer des choses.

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