The Big Whale : Vous êtes l’un des rares députés “crypto” en Europe. Qu’est-ce qui vous a poussé dans cet univers ?
Je suis une sorte d’entrepreneur en politique. Je fais de la politique, et c’est un engagement du quotidien au niveau régional à Bruxelles, mais j’ai aussi un pied bien ancré dans le monde de l’entrepreneuriat et plus particulièrement dans celui du Web3 parce que je suis convaincu que les cryptos peuvent aider à améliorer notre système financier.
Qu’est-ce qui ne fonctionne pas selon vous avec le système financier actuel ?
Plein de choses. Il est centralisé, opaque et cher, trois problèmes que les cryptos peuvent aider à résoudre. En Europe, si les banques marchent plutôt bien, elles restent chères, et dans d’autres régions du monde, comme l’Amérique du Sud ou l’Asie du sud-est, les gens n’y ont tout simplement pas accès. Il faut changer cela.
Est-ce pour cette raison que vous avez commencé à accepter les paiements en bitcoin ?
Quand j’ai vu et compris ce que la crypto pouvait apporter dans le système financier, j’ai multiplié les questions au gouvernement, les interventions sur les plateaux télé, mais j’ai assez vite compris qu’il fallait passer des paroles aux actes. Donc en 2022, j’ai converti chaque mois mon salaire en bitcoin.
Vous avez arrêté de le faire en 2023… Pourquoi ?
Parce que c’est un acte politique. C’est comme ce qu’ont fait les maires de New York et Miami : il fallait envoyer un message, mais ça n’a pas vocation à durer dans le temps. C’est comme certains militants qui s’attachent à un arbre pour sensibiliser à la déforestation. Le but est de marquer les esprits.
Vous êtes aussi l’organisateur de la Bruxelles Blockchain Week, qui démarre ce mercredi. Qu’attendez-vous de la deuxième édition ?
J’ai deux objectifs : le premier, c’est faire le pont entre la finance traditionnelle et le monde du web3. Il faut être lucide, la finance décentralisée ne va pas remplacer la finance centralisée telle que nous la connaissons avec ses grandes banques, ses fonds d’investissements, ses assureurs… La finance décentralisée va permettre d’améliorer la finance centralisée, et notre objectif avec la Bruxelles Blockchain Week est d’accompagner ce changement.
Et c’est le deuxième objectif : avec la Bruxelles Blockchain Week, nous voulons créer un événement de référence qui fasse le pont entre la finance traditionnelle et le web3. Je me suis associé avec Raoul Ullens, qui vient de l’univers crypto, pour réunir ces deux univers.
Vous parlez de pont avec l’économie traditionnelle. Y aura-t-il des représentants lors de l'événement ?
Oui, il y aura des régulateurs, des banques, des assureurs, même si la majorité des participants sont encore des représentants du Web3.
Quelle est la spécificité de la Bruxelles Blockchain Week ?
Nous ne sommes pas une conférence flashy avec des paillettes et des NFTs dans tous les sens. Le but est de faire avancer l’écosystème et c’était important que Bruxelles ait sa conférence web3.
Bruxelles doit jouer son rôle de capitale européenne. Quand j’ai vu que toutes les capitales européennes avaient leur week, et que nous étions les seuls à ne pas l’avoir, je me suis dit qu’il fallait le faire.
Vous voulez créer un pont entre la finance traditionnelle et le web3, mais est-ce que cela ne passe que par la régulation ?
Nous avons deux jours à la conférence : la première journée est clairement sur la régulation. Il y aura des représentants de la Commission européenne, des régulateurs et aussi bien sûr des entrepreneurs. Nous allons parler des futures régulations, de la DeFi et d’autres sujets d’actualité.
Le deuxième jour, nous allons parler de la tokénisation. Nous allons voir comment toutes les activités, spécialement dans la finance, vont changer avec les technologies blockchain. Il y a deux aspects : il y a la régulation et le concret.
Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a tant de concret que ça dans l’univers du Web3 ? Est-ce que, finalement, ce qu’il y a de plus concret, ce n’est pas la régulation plus que les projets ?
Le fait de pouvoir représenter dans un token des choses réelles est un vrai cas d’usage. Sur l’immobilier, la finance ou le gaming, il y a des exemples très intéressants.
Il y a des "blockchain week" dans chaque pays. Est-ce que plus qu’un écosystème global, l’Europe n’est pas plutôt une somme d’écosystèmes nationaux ? Pourquoi ne pas avoir créé une European blockchain week ?
C’est un peu l’ambition. J’espère que la crypto sera l’un des leviers de la construction d’une Europe politique. Ce serait génial si, par exemple, l’Europe mettait en place une fiscalité européenne sur les cryptos pour financer des projets européens et notamment des projets web3 européens. Malheureusement, aujourd’hui ça n’en prend pas trop le chemin. Il n’y a pas de vision globale. Nous avons le réglement MiCA, mais il faudrait plus.
Vous parlez de MiCA. Quel regard portez-vous sur texte ?
Globalement, c’est une très bonne chose, même si comme nous l’avons vu au départ, les débats étaient mal engagés avec la volonté de certains de tout interdire, notamment le Proof-of-Work, et donc Bitcoin. La régulation ce n’est pas l’interdiction, mais l’organisation. Finalement, les choses ont bien évolué, et à ce niveau-là les français ont été très actifs. Mais nous ne devons pas en rester là. Réguler c’est bien, mais il faut aussi inciter l’innovation, et là-dessus, nous sommes moins bons.
Est-ce que ce qu’il se passe aux États-Unis, avec l’offensive de la SEC contre les projets crypto, n’est pas une énorme opportunité pour l’Europe ?
Si, bien sûr, mais il faut aussi se méfier parce que les Américains peuvent aller fort dans un sens comme dans l’autre. Nous allons voir ce qu’il se passe. Nous avons clairement une carte à jouer, même si les déclarations de Brian Armstrong il y a quelques jours au sujet de la Chine montrent à quel point nous ne pouvons pas penser que tout est gagné. Il faut soutenir l’écosystème web3 européen, sinon l’histoire va encore se répéter.
Quels sont les acteurs belges de l’écosystème web3 ?
Ce n’est clairement pas le plus gros écosystème, mais il y a des acteurs qui comptent comme Keyrock, un market maker qui a levé 70 millions d’euros fin 2022, ou SettleMint, une plateforme blockchain qui a levé 16 millions d’euros également fin 2022.
Quel est, pour vous, ce qui va permettre à l’écosystème de se développer ?
Il faut des vrais cas d’usage, un peu comme ChatGPT avec l’intelligence artificielle.