Un spectacle assez dingue. Alors que sa plateforme a fait faillite, que plusieurs enquêtes ont été ouvertes contre lui, Sam Bankman-Fried, alias "SBF", fait le tour des médias, radio, télé, presse écrite… Presque comme si de rien n'était.
L’objectif ? S’expliquer sur la chute éclair de son empire et ce qui restera probablement comme l’une des plus grandes fraudes de l’Histoire.
Si certaines interviews ont tourné à la farce, notamment parce que les journalistes ne connaissent pas bien le sujet, d’autres comme celle que viennent de faire nos amis de “The Block” permettent de comprendre un peu plus ce qui a pu se passer avec FTX et Alameda Research.
Petite précision : nous avons, nous aussi, demandé une interview à SBF (nous l’avons eu en octobre avant l’effondrement) parce que beaucoup d’Européens étaient clients de FTX International (pas US), mais l’Américain de 30 ans n’a, pour l’instant, pas donné suite.
En attendant, on fait le point sur ce que l’on sait de l’affaire, ce qu’on ne sait pas encore, et ce qu’on ne saura probablement jamais. 😐
👉 Ce que l’on sait
Par où commencer ? 😅
Prenons déjà les pertes et le nombre de “victimes”.
Selon les documents internes de FTX, ce sont plus d’un million de clients, particuliers et professionnels, qui ont perdu de l’argent dans l’affaire. “Les clients de FTX US récupéreront leur argent”, a tenté d'expliquer SBF aux médias.
Mais la vérité est qu’ils ne récupèreront rien, ou presque, surtout ceux qui sont clients de FTX International. Et pour cause : le montant des pertes dépassent les 8 milliards de dollars, sans compter les prêts et autres facilités de paiement accordés à la société…
Au total, la facture pourrait grimper à 50 milliards de dollars, du jamais vu auparavant.
On en sait également beaucoup plus sur l’engrenage dans lequel FTX s’est retrouvé : tout a démarré en 2017, avec la création par SBF du fonds Alameda Research.
À l’époque, l’Américain d’à peine 25 ans fait de l’arbitrage en achetant des bitcoins aux États-Unis, et en les revendant un peu plus chers en Asie (Japon et Corée du Sud).
Grâce à cette activité, celui qui n’est pas encore surnommé “SBF” gagne déjà une petite fortune - plusieurs dizaines de millions de dollars 🤑 - ce qui lui donne des ambitions et l’idée de créer sa propre plateforme de trading. Nous sommes en 2019, juste avant le Covid, et c’est la naissance de… FTX.
Sur les premiers mois, Alameda Research va faire office de fournisseur de liquidités à FTX, lui permettant d’augmenter l’activité de ses clients (FTX leur permet de trader davantage) et donc le montant de ses commissions.
Jusque-là tout va bien.
Alameda Research aurait pu rester un fournisseur de liquidités pour FTX, sauf que la société de trading va investir de plus en plus dans l’écosystème et des projets comme Solana et d’autres (on en parlait dans l’édition Premium) .
Sauf que certains paris vont se révéler désastreux. Alors même que les marchés sont en hausse jusqu’en novembre 2021, Alameda Research, qui a investi dans 500 projets et entreprises pour plus de 5 milliards de dollars, va réussir à perdre de l’argent en 2021. Un peu plus d'un milliard de dollars !
Pour se maintenir à flot, Alameda va puiser dans les dépôts des clients de FTX. D’abord quelques millions, puis quelques centaines de millions de dollars, dans l’illégalité la plus totale, et au nez et à la barbe des plus grands investisseurs de la planète comme Sequoia Capital ou SoftBank, qui ont investi des centaines de millions de dollars dans le capital de l’entreprise valorisée il y a encore quelques mois 32 milliards de dollars.
Interrogé à plusieurs reprises sur le sujet, SBF a d’abord nié. “Les dépôts de FTX n’ont pas été utilisés par Alameda”, a expliqué l’Américain début décembre dans l’émission Good Morning America (retrouvez l’extrait vidéo ici sur Twitter) . C’est également ce qu’il nous avait confié fin octobre lorsque nous lui avions posé la question.
Sollicité de nouveau sur le sujet par le Financial Times il y a deux jours, le discours de SBF a quelque peu changé : “Il faut que l’on regarde ce qu’il s’est passé”, a expliqué l’Américain.
👉 Ce qu’on ne sait pas encore
Parmi les questions qui restent en suspens, il y a évidemment celle de la responsabilité de SBF, qui est toujours installé au Bahamas où il est surveillé par les autorités. En cas de procès aux États-Unis, il risque des dizaines d’années - voire plus - de prison.
Était-il au courant de tout ce qu’il se passait entre Alameda Research et FTX ?
Dans plusieurs interviews, l’Américain a affirmé que non, alors même qu’il était le décisionnaire pour tout et était, surtout, en couple - au moins pour six mois - avec la dirigeante d’Alameda Research, Caroline Ellison.
On a également appris que les deux sociétés partageaient le même bureau et que les salariés de l’une pouvaient accéder aux écrans de l’autre. Selon plusieurs anciens salariés de FTX cités par le New York Times , SBF savait tout de ce qu’il se passait dans les deux sociétés.
L’affaire FTX soulève aussi un sujet politique, car l’ancien milliardaire était très généreux avec les politiques américains. Rien que pour la campagne des Midterms, SBF a donné plusieurs dizaines de millions de dollars, surtout aux démocrates. C’est l’un de ses principaux associés qui donnaient beaucoup pour les… républicains 👀.
Est-ce pour cette raison que SBF a été autant mis en avant par les élus du Congrès ? Difficile de le savoir. C’est en tout cas lui qui les conseillait sur la législation crypto... Dans un tweet, la patronne démocrate de la commission des finances de la chambre des représentants, Maxine Waters, a demandé à SBF de venir témoigner lors d’une séance au sujet de FTX (c'est le 13 décembre, on en parle plus bas).
L’Américain a expliqué qu’il n’était pas sûr de pouvoir être disponible 🙃.
👉 Ce qu’on ne saura probablement jamais
SBF a-t-il préparé le coup depuis le départ ?
C’est ce que certains avancent, en expliquant que FTX a été conçu comme une pompe pour alimenter Alameda Research.
Sauf à trouver des éléments tangibles, il semble très compliqué de prouver une telle hypothèse. Mais comme l’affaire l’a montré depuis le début, rien n’est impossible (malheureusement) et les prochaines semaines pourraient encore nous réserver de belles surprises…