Il n'y a pas que la justice américaine qui s'intéresse à Binance. Selon nos informations, qui confirment celles du "Monde" , la plateforme d'échange d'origine chinoise est également visée par la justice française qui la soupçonne de "blanchiment aggravé" et d'activité illégale.
Une enquête est ouverte depuis février 2022 et menée par le service d’enquêtes judiciaires des finances sous la direction de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris. Une perquisition a eu lieu la semaine dernière dans les locaux de la filiale française. Selon l'Agefi , une seconde enquête a également été engagée par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).
“Nous avons eu une visite de nos bureaux la semaine dernière par les autorités compétentes. Binance, comme toujours, a été pleinement collaboratif et avons pleinement répondu aux obligations”, confirme un porte-parole du géant de la crypto.
Contacté par The Big Whale, le parquet n'a pas souhaité faire de commentaire. L'enquête pourrait déboucher sur des poursuites judiciaires comme aux Etats-Unis avec la SEC. Mais que reproche-t-on exactement à la filiale dirigée par David Prinçay (lisez son interview publiée le 1er juin ) ?
D'abord d'avoir manqué à ses obligations en matière de procédures dites "know your customer" (KYC), visant à vérifier l'identité et le profil de ses clients pour prévenir les risques de blanchiment. "Le régulateur américain leur reproche la même chose pour certains de leurs clients", indique Arnaud Touati, associé au sein du cabinet Hashtag Avocats.
“Rappelons qu’avant d’obtenir l'enregistrement de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) en France en mai 2022, la plateforme n’avait pas d’obligation de procédure KYC/AML", souligne-t-il.
Interrogé sur le fait que Binance ne vérifiait pas l’identité de ses clients français avant août 2021, son président David Prinçay avait déclaré à The Big Whale “n’avoir fait que suivre la réglementation”.
“Nous respectons toutes les lois en France, comme nous le faisons sur tous les autres marchés sur lesquels nous opérons”, ajoute un porte-parole de la société.
Soupçons de publicité illégale
Ensuite, selon Le Monde, Binance est suspectée d'avoir illégalement fait de la publicité en France avant d’en avoir eu l’autorisation.
“En France, seuls les PSAN enregistrés auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) peuvent réaliser des opérations de communication à caractère promotionnel sur les services et les actifs numériques qu’ils proposent”, note Arnaud Touati.
Rappelons que Binance avait ostensiblement choisi d’afficher son logo sur la devanture du Palais Brogniart, situé en face du siège de l’Autorité des marchés financiers (AMF) mi-avril 2022, avant d’avoir obtenu son enregistrement. Un acte qui avait fait beaucoup parler de lui à l’époque…
Une affaire en lien avec la plainte de clients fin 2022 ?
Une enquête publiée en décembre 2022 par Mediapart avait révélé que plusieurs clients français de Binance avaient déposé une plainte sur des fondements similaires à ceux de l’enquête actuelle. Au centre de celle-ci, un groupe Telegram actif avant l'enregistrement PSAN et qui proposait de nombreuses incitations commerciales.
Binance a démenti en être l’administrateur. Celui-ci aurait été géré par des "Binance Angels".
Les Angels sont des "bénévoles", comme nous l'avait expliqué David Prinçay. Lui-même en a été un avant de prendre la présidence de la filiale. "Je les ai aidés, notamment sur de la traduction. C’est comme cela que j’ai commencé à comprendre comment fonctionnait Binance, quelle était sa culture d’entreprise, etc."
Dans cette affaire, les enquêteurs devront notamment établir si les actions des Binance Angels dépendent ou non de la responsabilité de l'entreprise.