“C’est la nouvelle vague de la DeFi”, “Le projet qui manquait en Europe”… Les superlatifs ne manquent pas au sujet d’Angle, le protocole de stablecoins décentralisés imaginé il y a quelques années par un certain… Pablo Veyrat, diplômé de l’école Polytechnique en 2020 et passé par la prestigieuse université américaine de Stanford.
“Le prix de meilleur jeune talent est une belle reconnaissance pour ce que l’on fait, j’espère que ça donnera plus d’exposition à un projet qui n’en est encore qu’à ses débuts”, témoigne l’entrepreneur de 26 ans. “Nous avons encore très faim et beaucoup de choses à montrer”.
Par opposition aux stablecoins centralisés, ceux décentralisées comme celui émis par Angle, le agEUR, ont plusieurs avantages. D’abord celui d’être moins sensibles à la censure puisqu’aucune entité centralisée ne les contrôle. Puis leur actif sous-jacent peut-être assez divers. “Ils peuvent être créés à partir d’actifs plus variés, ce qui permet de développer beaucoup plus d’applications autour et notamment du rendement”, indique l’entrepreneur sur lequel a misé le célèbre fonds de capital-risque américain Andreessen Horowitz.
Un projet basé sur l’euro
Son fonctionnement rappelle immanquablement MakerDAO, l’un des plus gros projets de finance décentralisée et émetteur du stablecoin dollar DAI. “Nous sommes assez proches de Maker, rappelle Pablo Veyrat, sauf que nous sommes tournés vers l’euro et pensons avoir trouvé la solution pour rendre son mécanisme plus efficace”.
Sur Maker, chaque DAI créé est soutenu par une garantie équivalent en en cryptos de 150%. C’est nécessaire pour s’assurer que le stablecoin conserve son indexation face au dollar en cas de volatilité des cours. Problème : c’est inefficient en termes de capital mobilisé.
L’idée d’Angle, c’est de permettre à n’importe qui de créer un agEUR en plaçant uniquement l’équivalent en garantie. Pour absorber la volatilité, une place de marché interne au protocole (le Core Module) émet des contrats à terme où des traders se positionnent avec effet de levier. “Cela permet à Angle de maintenir constamment une valeur en réserve équivalente à celle des agEUR en circulation”, explique Pablo Veyrat.
Pour l’instant, ce sont surtout des stablecoins dollars qui composent la réserve d’Angle (surtout des USDC). À terme, celle-ci pourrait être utilisée pour acquérir des actifs plus traditionnels -comme des obligations souveraines ou des ETF- afin de procurer du rendement aux détenteurs d’agEUR.
Suffisant pour remplacer Maker ? Non, évidemment.
Maker gère plus de 7 milliards de dollars tandis qu’Angle n’affiche “que” 55 millions de dollars. Néanmoins, le protocole d’origine française a de sérieux atouts pour tirer son épingle du jeu et modeler la prochaine génération de stablecoins décentralisés.
“Pour améliorer l’adoption, il faudra proposer de meilleurs produits par rapport à ce qui se construit actuellement autour du dollar”, insiste Pablo Veyrat. “Je pense notamment à des solutions d’épargne et d’investissement, avec des taux 2-3% supérieurs au marché, ce qui pourrait attirer des acteurs institutionnels”.
À terme, des obligations d’entreprises pourraient aussi être déposées dans Angle en échange de la création de nouveaux agEUR. “On aurait alors un vrai cas concret d’utilisation de la DeFi qui se résume actuellement à un cercle clos qui ne sert pas à grand chose”, poursuit-il.
La grande interrogation autour d’Angle reste la question de la régulation. “Ce type de projet est encore sous les radars, mais ce n’est pas impossible que les autorités se penchent un jour dessus”, souffle un avocat spécialisé.
Du côté de Pablo Veyrat, la stratégie est d’avancer à visage découvert. “On veut créer une infrastructure qui réponde aux besoins de la finance classique, nous mettons l’accent sur la conformité du protocole”.