Staking : l'arme fatale des ETF Ethereum ?

Dans une tribune, Sandy Peng (cofondatrice de Scroll) explique que l'intégration du staking dans les ETF Ethereum pourrait créer un appel d'air sans précédent sur ces produits qui ont connu un démarrage plus poussif que celui des ETF Bitcoin.
La Bourse de Chicago (Cboe BZX) a récemment soumis une proposition visant à autoriser le 21Shares Core Ethereum ETF à intégrer des fonctionnalités de staking pour ETF Ethereum. Si cette initiative est approuvée, elle marquerait la création du premier ETF crypto générateur de rendement aux États-Unis, transformant ces fonds d'outils passifs en véritables instruments financiers productifs.
Une avancée potentiellement majeure
Le staking est un mécanisme par lequel les détenteurs d'ETH peuvent obtenir des récompenses en participant à la validation des transactions sur le réseau Ethereum, fondé sur la preuve d'enjeu (proof-of-stake).
Contrairement au staking traditionnel, qui exige de configurer ses propres validateurs et de gérer directement ses ETH, l'émetteur de l'ETF se chargerait de staker les avoirs du fonds au nom des investisseurs.
Ainsi, les particuliers n'auraient plus besoin de réunir les 32 ETH requis, ni de s'occuper des aspects techniques. Cette approche supprime les barrières à l'entrée, tant financières que technologiques, et rend les rendements natifs d'Ethereum accessibles à un public bien plus large.
Actuellement, les rendements liés au staking d'Ethereum oscillent entre 3 % et 5 % par an.
"Ce développement potentiel comble un fossé majeur entre la finance traditionnelle et la finance décentralisée", explique Sarah Bergstrand, analyste en investissements crypto chez Capital Research Group.
"Il permettrait aux investisseurs de bénéficier à la fois de l'appréciation du prix de l'ETH et des récompenses de staking, sans la complexité technique liée à la gestion des validateurs ou des clés privées", ajoute-t-elle.
Pour les investisseurs institutionnels, un ETF intégrant le staking pourrait raviver l'intérêt pour Ethereum en tant que classe d'actifs. Alors que les ETF Bitcoin ont suscité un fort engouement (de 20 milliards à 100 milliards en 12 mois) depuis leur approbation en janvier 2024, les ETF Ethereum ont jusqu'ici connu des flux plus modestes.
L'ajout d'un rendement potentiel par le staking introduit une nouvelle dimension d'investissement, en faisant des ETF Ethereum des produits structurés à rendement.
Des obstacles réglementaires à surmonter
Malgré ces perspectives prometteuses, l'approbation du projet reste incertaine. La SEC (Securities and Exchange Commission) a jusqu'à présent adopté une approche prudente face au staking, comme en témoignent ses actions contre Kraken et Coinbase concernant leurs services de staking.
"La SEC devra évaluer avec précision la compatibilité du staking dans une structure d'ETF avec les lois sur les valeurs mobilières", souligne Michael Rodriguez, associé chez Blockchain Legal Partners. "La question de savoir si les récompenses de staking peuvent être considérées comme des titres financiers pourrait compliquer le processus."
La proposition fera probablement l'objet d'un examen prolongé, aucun calendrier officiel n'ayant encore été fixé.
Un enjeu pour la décentralisation du réseau
Au-delà des considérations réglementaires, l'introduction du staking dans les ETF soulève des interrogations sur la décentralisation du réseau Ethereum. Si des ETF institutionnels accumulent une part importante de l'ETH en staking, cela pourrait concentrer l'influence sur le réseau.
Le consensus d'Ethereum repose actuellement sur des milliers de validateurs indépendants. Cependant, si quelques fournisseurs d'ETF en venaient à contrôler une fraction significative des ETH stakés, ils pourraient exercer une influence disproportionnée sur les décisions du protocole et ses évolutions.
De plus, les modalités opérationnelles restent floues. Les émetteurs d'ETF feraient probablement appel à des prestataires spécialisés dans l'infrastructure de staking, ajoutant un niveau d'intermédiation supplémentaire. De nombreuses questions restent en suspens : qui détiendra les clés des validateurs ? Comment seront gérées les pénalités (slashing) ? Quel degré de transparence sera accordé aux investisseurs ?
Un effet domino en perspective
Si la proposition de 21Shares était approuvée, elle pourrait marquer le début d'une nouvelle ère dans l'évolution des ETF. Une ère où les fonds cryptos ne se contentent plus de suivre les prix, mais profitent aussi de la productivité financière des réseaux décentralisés. Les observateurs du secteur s'attendent à ce que les concurrents réagissent rapidement. Des géants comme BlackRock, Fidelity et d'autres acteurs disposant de produits Ethereum pourraient déposer des amendements similaires pour rester compétitifs.
Ce succès pourrait également ouvrir la voie à des ETF basés sur d'autres cryptomonnaies en preuve d'enjeu, telles que Solana, Cardano ou Polkadot.
Tous les regards vers la SEC
En combinant exposition au prix de l'Ethereum et accès aux récompenses de staking, à travers un véhicule d'investissement connu des marchés traditionnels, les ETF avec staking pourraient changer la perception d'Ethereum. L'actif ne serait plus seulement considéré comme un outil de croissance, mais comme un actif productif, générateur de revenus, parfaitement adapté à une stratégie de portefeuille diversifiée.
Pour l'heure, tous les regards sont tournés vers la SEC, dont la décision sera déterminante.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


