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Stablecoins : enfin l’heure de l’euro ?

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Stablecoins : enfin l’heure de l’euro ?

Stablecoins : enfin l’heure de l’euro ?Stablecoins : enfin l’heure de l’euro ?

Le marché des stablecoins en euros, encore marginal, pourrait connaître une accélération majeure avec l'entrée en vigueur de la réglementation MiCA. De nouveaux acteurs se positionnent pour conquérir ce marché prometteur.

C’est un marché jusqu’ici balbutiant qui pourrait connaître un coup d’accélérateur dans les prochains mois.

Et il serait temps, car jusqu’ici, les chiffres sont sans appel. Avec 0,2 % de parts de marché, les stablecoins en euros ne représentent encore qu’une goutte d’eau dans ce marché outrageusement dominé par le dollar à plus de 99 %, avec en tête les géants Tether, émetteur de l’USDT, et Circle, émetteur de l’USDC, comptant respectivement 118 milliards et 35 milliards de dollars de capitalisation de marché.

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“Pour le moment, la demande pour l’euro on-chain est quasiment inexistante, notamment à cause des taux d’intérêt plus faibles que le dollar et d’une liquidité relative en finance décentralisée par rapport aux stablecoins en dollars”, explique Olivier Mammet, responsable du trading au sein de la plateforme américaine Gemini, connue pour avoir été lancée par les frères Winklevoss.

“En dehors de l’Europe, il n’existe pas vraiment de marché pour les stablecoins euro. Et dans des pays avec une forte inflation comme l’Argentine, les gens préfèrent utiliser du dollar”, explique dans une interview le CEO de Tether, Paolo Ardoino.

Mais l’institutionnalisation grandissante du secteur et l’hypothèse d’un basculement progressif du monde financier traditionnel sur la blockchain dans les années à venir, notamment dans le cadre de la tokenisation des actifs, font logiquement de l’euro un prochain marché à conquérir.

Selon nos informations, les stablecoins en euros vont ainsi se multiplier dans les mois à venir et sur la période 2025-2026. Voici pourquoi il est désormais crédible de penser qu’il est enfin l’heure des stablecoins en euros.

Avec MiCA, (enfin) un cadre réglementaire plus rassurant

Depuis le 1er juillet, le volet de MiCA (Market in Crypto-Assets), ce règlement destiné à harmoniser les règles entre les 27 pays de l'Union européenne concernant le marché crypto, est entré en application concernant les stablecoins.

Avec lui, l'Europe est devenue la première région du monde à se doter d'un cadre réglementaire encadrant les stablecoins ; ce n'est toujours pas le cas aux États-Unis.

“Étant assimilés à de la monnaie électronique dans MiCA (e-money token), les stablecoins régulés sont désormais une forme de monnaie régulée circulant sur des blockchains publiques”, s'est réjoui il y a peu Jeremy Allaire, CEO de Circle, dans une interview avec The Big Whale. “Cette assurance réglementaire ouvre des possibilités aux institutionnels en termes de gestion de trésorerie ou de paiement qui n'existaient pas avant”, poursuit-il.

MiCA met également dans de parfaites dispositions les établissements titulaires d'une licence bancaire : contrairement aux entreprises crypto (comme Circle), ils n'ont pas besoin de multiplier les partenaires bancaires pour assurer la conservation d'une partie de leur réserve.

D’autant plus que les banques n'ont pas besoin d'obtenir de licence de monnaie électronique (EME), puisqu'elles sont déjà des établissements de crédit. Dans ce cadre, elles n'ont qu'à notifier un white paper à leur régulateur pour lancer leur stablecoin. Un dispositif taillé sur mesure pour les banques.

Depuis le 1er juillet, deux établissements ont déjà sauté le pas. Le premier est évidemment SG-Forge, filiale du groupe Société Générale, qui émet depuis avril 2023 le CoinVertible (EURCV) sur Ethereum et depuis le 20 septembre sur le réseau Solana. Listé sur Bitstamp, sa capitalisation est actuellement modeste — 33 millions d'euros, mais la banque française nourrit de grandes ambitions sur le sujet.

L'autre acteur à s'être lancé dans l'aventure est Banking Circle. Cette fintech lancée en 2016 a obtenu sa licence bancaire en 2020 au Luxembourg et se présente comme l'une des banques les plus crypto-friendly d'Europe.

Contrairement à SG-Forge, qui a dû obtenir une licence EME, Banking Circle utilise sa licence bancaire pour émettre l'EURITE, son stablecoin en euros officiellement régulé par MiCA depuis le 26 août. Listé par Binance, la capitalisation de ce stablecoin est actuellement d'un peu moins de 30 millions d'euros.

Outre Circle et ces deux banques, un autre acteur est d'ores et déjà régulé pour MiCA : les Islandais de Monerium avec leur EURe (15 millions d'euros de capitalisation et disponible uniquement sur les protocoles de finance décentralisée).

“Pour le moment, l'avantage du first-mover est encore très important en crypto”, explique Olivier Mammet, responsable du trading chez Gemini. “Tout le monde a en tête ce qu'ont réussi à faire Tether et Circle avec le dollar”, poursuit-il.

Banques, acteurs crypto ou prestataires de paiements… même s'ils seront nombreux à tenter leur chance dans les mois qui viennent, une consolidation du secteur est forcément à prévoir. “C'est notamment ce qui est recherché par les régulateurs, qui n'auront pas forcément envie de se retrouver à gérer une flopée de projets fantaisistes”, glisse un avocat du secteur.

“Il y aura forcément des barrières, soit réglementaires, soit de marché, qui s'établiront très rapidement. Le point mort d'activité est très élevé et tout le monde n'a pas les reins assez solides pour gérer ce genre d'activité”, anticipe Jean-Marc Stenger, le CEO de SG-Forge.

Pour le moment, MiCA exclut largement l'utilisation des stablecoins décentralisés comme l'EURA du protocole Angle ou le USD0 du protocole Usual, par les institutionnels traditionnels, ces derniers entrant dans “l'exemption DeFi”. Sauf que pour le moment, aucune définition claire notamment du terme “décentralisé” n'a été donnée par les autorités.

Vers un rééquilibrage similaire au marché monétaire traditionnel

“Nous parions sur le fait que la majorité des flux financiers vont basculer sur les blockchains publiques dans les années à venir, qui sont plus efficientes pour de nombreuses opérations. À ce titre, nous pensons que l’euro n’échappera pas à la règle”, explique à The Big Whale Dante Disparte, directeur de la stratégie chez Circle.

Sur l’ensemble de l’année 2023, le dollar a pesé pour près de 45 % des volumes quotidiens sur le marché des devises contre un peu plus de 16 % pour l’euro, selon les données du London Foreign Exchange Committee. Les acteurs parient donc sur le fait que le marché des stablecoins se rééquilibrera dans cette direction avec un marché des stablecoins euro qui devrait décoller bien au-delà de ses 0,2% de parts de marché actuelles.

D’autant plus que selon Cuy Sheffield, le responsable des sujets crypto chez Visa, les stablecoins libellés autrement qu’en dollar vont se multiplier assez rapidement. “Les dollars sont parfaits pour les paiements transfrontaliers, mais il faut ensuite pouvoir les convertir rapidement et efficacement en monnaie locale”, a-t-il expliqué le 20 septembre lors de l’événement Solana Breakpoint à Singapour (Raphaël était présent).

À ce titre, Circle paraît idéalement placé, puisque l’émetteur dispose de deux stablecoins en euros et en dollars régulés.

Au-delà des paiements transfrontaliers, la tokenisation des actifs va également inciter au développement de stablecoins en euro comme monnaie de règlement, alors même que les premiers produits traditionnels comme les fonds monétaires commencent à faire leur apparition on-chain.

SG-Forge est dans les starting blocks pour ce marché avec l’EURCV et Olky Pay ambitionne de proposer l’EUSTA dans les mois qui viennent.

Fin octobre, Tether prévoit quant à lui de lancer une plateforme de tokenisation en marque blanche à laquelle sera intégrée “toute la technologie avec laquelle nous avons déployé nos stablecoins. De nombreux acteurs avec qui nous discutons sont intéressés par son utilisation intégrant de l'euro”, explique Paolo Ardoino.

Lancer cette plateforme permettrait à Tether de continuer à faire du business en Europe alors même que le plus grand émetteur du marché n’a pour le moment pas l’intention de se plier aux exigences de MiCA pour être officiellement régulé en Europe.

Adoption encore discrète dans la DeFi, mais en progrès

Les prochains mois vont être décisifs pour les émetteurs afin de faire adopter leurs stablecoins dans la finance décentralisée (DeFi).

Si des pools ont commencé à émerger pour l’EURC de Circle, ce n’est pas encore le cas de l’EURCV de SG-Forge. Mais selon nos informations, des discussions existent avec plusieurs protocoles comme Morpho Blue.

SG-Forge va clairement accélérer dans les prochains mois à ce niveau, la clientèle crypto étant une des cibles visées par la filiale dirigée par Jean-Marc Stenger.

Fin août, une pool USDC/EURC a été lancée sur Aerodrome, un Automated Market Maker (AMM) déployé sur Base, le layer 2 lancé par Coinbase, réputé historiquement proche de Circle. Les frais de change étaient de 0,01 %.

“Dans l’immédiat, il y a une vraie demande pour la paire euro/dollar directement on-chain, ce qui permettrait aux traders de ne plus être obligés de repasser systématiquement par le système bancaire pour gérer de l’euro. Des allers-retours qui peuvent s’avérer coûteux et longs”, remarque Olivier Mammet.

Au 3ème trimestre 2024, Monerium prévoit de déployer une solution permettant à ses utilisateurs d’avoir accès à la liquidité Forex (marché de devises) où près de 8 000 milliards de dollars sont quotidiennement échangés. Ses clients pourraient alors échanger de très gros volumes à des prix comparables au système traditionnel.

“Les portes du Forex sont encore largement fermées pour les institutionnels crypto. Notre objectif est de leur permettre d’avoir accès à cette liquidité en mettant à disposition un accès régulé pour cela”, explique Gísli Kristjánsson, co-fondateur et Chief Technical Officer (CTO) de Monerium.

D’autres comme Angle Protocol se positionne également sur ce marché du Forex, mais de manière décentralisée. Historiquement émetteur d’un stablecoin euro, l’EURA (ex-agEUR), le protocole cofondé par le Français Pablo Veyrat a élargi ses activités face au manque de demande de l’euro en DeFi, en lançant un stablecoin dollar, l’USDA.

Lire aussi - Pablo Veyrat (Angle Protocol) : "Nous voulons devenir le moyen le plus efficace pour échanger des stablecoins"

“L'objectif est d'offrir de l'échange de stablecoins à bas coût en évitant au maximum les glissements de prix ou les taux de conversion trop importants. Avec notre mécanisme de réserve, nous voulons permettre à nos utilisateurs d'échanger du dollar et de l'euro sans surcoût. En disposant d'un stablecoin euro et dollar, on permet de répondre à 99% de la demande du marché”, détaille Pablo Veyrat.

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