Mike Silagadze (EtherFi) : “Nous construisons une véritable alternative bancaire sur des rails crypto”

Mike Silagadze (EtherFi) : “Nous construisons une véritable alternative bancaire sur des rails crypto”

EtherFi veut révolutionner la finance décentralisée avec une véritable alternative bancaire sur blockchain. Son CEO, Mike Silagadze, détaille pour The Big Whale ses ambitions, ses défis réglementaires et sa stratégie d’expansion.

The Big Whale : Où en êtes-vous actuellement dans votre développement ? Quelles sont les dernières nouveautés d’EtherFi ?

Mike Silagadze : Nous avons connu une étape importante la semaine dernière avec un lancement qui comprenait plusieurs évolutions. Tout d’abord, nous avons légèrement retravaillé notre marque : auparavant, EtherFi avait un positionnement très crypto-native, centré sur nos trois produits principaux – Stake, Liquid et Cash. Désormais, nous adoptons une image beaucoup plus proche d’une fintech, dans l’esprit d’une banque crypto-native. C’est une évolution importante de notre présentation au public.

Ensuite, nous avons ouvert les inscriptions pour notre carte de crédit “Cash”, à la fois pour les particuliers et les entreprises. Nous constatons déjà un grand nombre d’inscriptions. L’application a également été remaniée pour proposer une expérience plus fluide et intégrée. Globalement, le grand titre est que nous lançons ce que nous appelons une “banque DeFi intégrée” : une véritable alternative bancaire construite sur des rails crypto.

En quoi vous différenciez-vous de produits comme Gnosis Pay ?

Il existe effectivement de nombreuses cartes crypto sur le marché, mais notre ambition est différente : nous proposons une solution véritablement complète. Ce n’est pas simplement une carte bancaire, mais une offre bancaire intégrée incluant compte d’épargne, compte d’investissement, et une application tout-en-un.

La différence principale avec des projets comme Gnosis Pay n’est pas seulement une question de frais ou d’expérience utilisateur, même si nous pensons être meilleurs sur ces points, mais plutôt d’ambition : nous construisons une alternative bancaire complète, comparable à un Revolut, alors qu’un projet comme Gnosis Pay ressemble plus à un simple produit spécialisé. Ce sont deux niveaux d’offre très différents.

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Certains sont surpris car EtherFi était perçu comme un projet d’infrastructure, notamment avec votre démarrage autour du restaking liquide. Pourquoi ce virage vers la banque DeFi grand public ?

En réalité, ce n’est pas un virage pour nous. C’est un prolongement naturel de ce que nous bâtissons depuis longtemps, même si nous avons probablement échoué à bien communiquer dessus. Nous avions déjà lancé notre produit Liquid, un produit d’investissement, il y a huit mois, et annoncé le lancement de la carte Cash il y a plus de six mois. Ce projet de banque DeFi est donc le fruit d’un long travail de construction, et non un pivot de dernière minute. EtherFi a toujours été pensé comme une plateforme orientée utilisateurs et non purement infrastructurelle.

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Envisagez-vous d’obtenir des licences réglementaires, notamment en Europe ?

Oui, nous sommes déjà en cours de demande pour plusieurs licences, à la fois en Europe et en Amérique du Nord. Nous collaborons aussi avec des partenaires réglementés, notamment pour l’émission de la carte de crédit. Concernant l’Europe, nous pensons ne pas avoir besoin de licence MiCA puisque nous ne sommes pas custodial. Mais nous étudions de près la possibilité d’obtenir une licence EMI (Electronic Money Institution) ainsi qu’une licence VASP (Virtual Asset Service Provider). Ce processus est encore en cours.

“Pour 2025, notre objectif est d’atteindre entre 50 000 et 100 000 utilisateurs actifs utilisant l’ensemble de notre offre bancaire”

Avez-vous choisi une juridiction en Europe pour vous établir ?

Pas encore officiellement, mais l’Espagne est notre option la plus sérieuse à ce stade. Le paysage réglementaire européen est complexe, beaucoup de juridictions sont peu accueillantes pour les projets crypto ou font semblant de l’être sans jamais délivrer de licences. L’Espagne, en revanche, offre un environnement relativement favorable. Nous avons aussi étudié d’autres pays comme la Suisse ou le Luxembourg, mais l’Espagne semble aujourd’hui l’option la plus pragmatique pour nous.

Quelle est votre ambition à long terme pour EtherFi ?

Notre ambition est de construire une véritable alternative bancaire on-chain capable d’attirer des centaines de millions, voire des milliards d’utilisateurs à terme. À court terme, pour 2025, notre objectif est d’atteindre entre 50 000 et 100 000 utilisateurs actifs utilisant l’ensemble de notre offre bancaire.

Pour 2026, nous visons au moins un million d’utilisateurs. Si nous y parvenons, EtherFi sera de loin le plus gros projet DeFi en termes de revenus “externes”, c’est-à-dire non liés au trading spéculatif. C’est essentiel pour nous : nous voulons générer des revenus réels venant d’utilisateurs réels, et non simplement recycler la même base crypto existante.

Comment comptez-vous attirer de nouveaux utilisateurs, au-delà des habitués de la DeFi ?

Nous pensons qu’il existe déjà une énorme base d’utilisateurs CeFi, estimée entre 100 et 200 millions de personnes, qui utilisent des exchanges mais qui ne sont pas encore passées à la DeFi parce qu’elle est encore trop complexe. Entre les seed phrases, les portefeuilles matériels et les signatures de transactions, l’expérience est dissuasive.

Nous n’avons donc pas besoin d’aller chercher très loin : simplement rendre l’accès à la DeFi aussi simple que celui de la CeFi suffira. Ensuite, les stratégies classiques d’acquisition clients issues du monde fintech – marketing direct, partenariats, affiliations – seront très efficaces, car nous avons une véritable source de revenus pour rentabiliser l’acquisition.

“Sur la carte, notre principale source de revenus est l’interchange”

Comment avez-vous conçu le wallet votre banque DeFi et quel est son niveau de sécurité ?

Nous avons développé notre propre smart contract wallet. C’est une technologie nouvelle qui permet d’envoyer des fonds depuis différentes chaînes vers votre portefeuille instantanément, sans frais de gaz notables ni glissement de prix.

Côté sécurité, l’utilisateur peut attacher une clé matérielle (comme celle de Ledger, ndlr) ou utiliser des dispositifs modernes comme Passkey. Personnellement, je préfère Passkey pour sa simplicité. Ce wallet est au cœur de notre écosystème, et nous envisageons bientôt d’autoriser la création de plusieurs “safes” pour séparer différentes activités.

Quel est votre modèle économique pour la carte de crédit ?

Notre principale source de revenus est l’interchange : chaque fois qu’un utilisateur effectue un achat, le commerçant paie une commission d’environ 2-3 % dont une partie nous revient. Pour l’utilisateur, la carte est gratuite. Nous allons également lancer une instance Aave pour générer des revenus de prêt à partir des actifs déposés dans les safes. D’autres sources de revenus viendront progressivement s’ajouter à mesure que nous étoffons l’offre.

Comment parvenez-vous à offrir du cashback sur les transactions (entre 2 et 3% sur chaque achat), alors que la plupart des cartes crypto peinent à en proposer durablement ? Qui finance ce cashback aujourd’hui ?

Le cashback que nous proposons est rendu possible grâce à notre partenariat avec Scroll, la solution de layer 2 sur laquelle nos safes sont déployés. Scroll subventionne actuellement les coûts de transaction de nos utilisateurs. Comme les frais de gaz sont extrêmement bas sur leur réseau, ils peuvent se permettre de financer une partie du cashback sans que cela ne représente un coût prohibitif pour eux. Concrètement, cela signifie que Scroll nous aide à rendre l’expérience utilisateur plus attractive, tout en renforçant leur propre écosystème.

Cette stratégie est assez classique dans les phases de développement d’un réseau : subventionner l’activité pour favoriser l’adoption. À terme, nous devrons trouver d’autres relais pour maintenir des programmes de cashback attractifs, mais aujourd’hui, ce soutien de Scroll joue un rôle clé.

Comment fonctionne le mode “borrow” ?

Le mode “borrow” est une innovation assez excitante : vous pouvez emprunter des stablecoins directement en utilisant vos actifs en garantie – qu’il s’agisse de liquidités, de staking tokens ou de vaults. Ensuite, vous dépensez ces stablecoins avec votre carte de crédit. Actuellement, nous avons même une promotion de 0 % d’intérêt sur tous les emprunts pendant quelques mois, ce qui permet aux utilisateurs de profiter d’un crédit gratuit tout en continuant à générer du rendement sur leurs dépôts.

Qui est l’émetteur de votre carte ?

Nous travaillons avec deux BIN sponsors : Rain, basé en Amérique Latine, et Reap, basé à Hong Kong. Rain nous permet d’émettre des cartes aux États-Unis, aux Caraïbes et en Amérique latine, tandis que Reap gère notre offre corporate. En Europe, nous opérons sous le régime de “reverse solicitation”, ce qui signifie que nous ne pouvons pas faire de marketing actif auprès des résidents européens tant que nous n’avons pas un partenaire émetteur européen.

Êtes-vous rentable aujourd’hui avec EtherFi ?

Oui, EtherFi est rentable. En 2024, nous avons généré près de 26 millions de dollars de revenus, avec un bénéfice d’environ 2 millions. Pour 2025, selon le prix de l’ETH, nous estimons pouvoir atteindre entre 45 et 90 millions de revenus, ce qui nous permettra d’être confortablement bénéficiaires.

Comment expliquez-vous alors que votre token ait perdu de la valeur récemment ?

Il suffit de regarder le marché. Tout est corrélé et la plupart des tokens ont perdu entre 50 % et 90 % de leur valeur. Nous ne pouvons pas échapper à la gravité du marché, aussi performante soit notre activité économique.

“Les airdrops réussis sont simples : être généreux, distribuer les tokens sans conditions complexes, et tout débloquer dès le premier jour”

Vous êtes reconnus pour votre airdrop réussi en 2024. Selon vous, quelles sont les bonnes pratiques pour réussir un airdrop en 2025 ?

Les airdrops réussis sont simples : être généreux, distribuer les tokens sans conditions complexes, et tout débloquer dès le premier jour. Malheureusement, le contexte actuel rend cela plus difficile car les valorisations des tokens au lancement sont beaucoup plus basses. Mais malgré tout, la transparence, la simplicité et la générosité restent les clés pour créer une communauté positive autour d’un projet.

Vous avez été partenaire de l’airdrop de Babylon. Pouvez-vous revenir sur ce qu’il s’est passé ?

Je prends l’entière responsabilité : notre système de suivi des points comportait plusieurs erreurs au moment de la première attribution des allocations. Nous avons reconnu ce problème, effectué des changements en interne, et corrigé les allocations. Aujourd’hui, nous estimons que 95 % des données sont justes. Même si l’erreur initiale a semé la confusion, nous avons tout fait pour rectifier la situation rapidement et assurer que les utilisateurs reçoivent les bonnes allocations. Babylon n’est pas notre token, nous ne faisons que transférer les tokens aux utilisateurs de manière transparente.

Pourquoi EtherFi ne communique-t-elle pas clairement le ratio entre les points obtenus et les tokens attribués lors des airdrops ?

Il s’agit d’une contrainte réglementaire. Le but d’un système de points est justement de créer une séparation légale entre l’activité des utilisateurs et une potentielle distribution de tokens, afin de respecter les lois en vigueur, notamment aux États-Unis. Cela nous empêche de communiquer explicitement un ratio points/tokens avant le lancement effectif. Même si nous comprenons que cela puisse frustrer certains utilisateurs, nous devons suivre scrupuleusement ces recommandations pour rester en conformité.

Comment gérez-vous la frustration ou l’agressivité de certains utilisateurs au sujet des airdrops ?

La meilleure méthode est d’être aussi transparent que possible sur les règles d’éligibilité dès le départ. Évidemment, il y a des limites légales : par exemple, il est souvent interdit d’annoncer qu’un airdrop est prévu ou de préciser les ratios entre points et tokens. Cela rend la communication difficile, mais fixer des règles claires en amont permet de se protéger et d’éviter de mauvaises surprises.

“Je pense sincèrement qu’Ethereum a touché son point bas”

Pensez-vous que l’engouement pour le restaking est retombé ?

Il y a clairement eu une période de folie irrationnelle autour du restaking. Aujourd’hui, les attentes sont revenues à un niveau plus réaliste. Le restaking est une technologie complexe qui prendra des années à mûrir, mais à long terme, je reste très optimiste. Chez EtherFi, même si le restaking reste important, la majorité de nos revenus vient aujourd’hui de nos produits Liquid et Cash.

>> Restaking : Après l’euphorie, cette verticale cherche encore son modèle

Comment voyez-vous la situation actuelle d’Ethereum et son avenir ?

Je pense sincèrement qu’Ethereum a touché son point bas. Les récents changements à l’Ethereum Foundation sont positifs. Ils se concentrent enfin sur les bonnes priorités : améliorer la scalabilité de la couche 1, mieux coopérer avec les layer 2, et renforcer leur relation avec les entreprises. Cela me rend très optimiste pour l’avenir d’Ethereum.

Quelle est votre stratégie institutionnelle pour EtherFi ?

L’adoption institutionnelle est au cœur de notre stratégie depuis quasiment le début. Une large part de notre TVL aujourd’hui provient d’institutions et de clients fortunés. Sur notre offre Cash, nous avons lancé une version dédiée aux entreprises et nous constatons de belles dynamiques de souscriptions également. Nous croyons que l’avenir passe autant par le B2C que par le B2B.

Quelles sont les prochaines étapes pour faire d’EtherFi une véritable banque on-chain ?

Il reste énormément à faire. Nous devons ajouter des rampes fiat entrantes et sortantes, intégrer les systèmes de paiement locaux comme Venmo aux États-Unis ou Pix au Brésil, développer le support pour une carte Euro, et même proposer une intégration directe des salaires. Construire un produit bancaire complet, ce n’est pas lancer un simple protocole : c’est un énorme chantier qui nécessitera plusieurs années. Mais l’accueil des utilisateurs est déjà très positif et d’ici six mois, nous espérons offrir une expérience digne de Revolut.

>> Rapport The Big Whale - DeFi & TradFi : la grande convergence

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