Métavers : la crise d'adolescence
Présenté comme LA prochaine grande révolution, le métavers est loin d’avoir séduit tout le monde. Les utilisateurs restent rares et les usages semblent encore assez limités, ce qui fait dire à certains qu’il n’a… aucun avenir. Mais est-ce vraiment le cas ? On a mené l’enquête 🔎
Un potentiel énorme
Pour comprendre les attentes autour du métavers, il faut revenir à son origine et à son potentiel.
Le métavers n’a pas percé ces deux dernières années par hasard. Il a accompagné la montée puissance de “l’Internet de la valeur” - le fameux Web3 - et des crypto-actifs. Même si les cryptos ont fortement baissé en 2022, le marché a plus que doublé depuis 2020.
Dans cet Internet de la valeur, il y a de nouvelles monnaies, les cryptomonnaies, de nouveaux objets, les NFTs, et également de nouveaux espaces : ce sont les métavers.
Les métavers offrent un nouveau terrain de jeu aux entreprises. Plusieurs rapports, dont celui publié mi-2022 par le cabinet de conseil McKinsey, évoquent un potentiel de plusieurs milliers de milliards de dollars - 5000 milliards de dollars d’ici 2030. Forcément, les entreprises s'y intéressent 🤑
Des centaines de sociétés Web3 comme Dogami, qui proposent d’élever des chiens dans le métavers (on peut ne pas aimer), ont émergé sur cette tendance.
“Le métavers permet de transformer des industries comme celle du gaming où l’on possède directement ses actifs”, explique l’un de ses cofondateurs, Bilal El Alamy. Dogami vient de lever 14 millions d’euros.
Beaucoup de sociétés traditionnelles ont également bien compris ce qui se jouait. Gucci, LVMH, Carrefour ou Nike ont ainsi posé leurs valises virtuelles dans The Sandbox. D’abord en achetant des parcelles, puis en testant des expériences avec les utilisateurs.
Certaines marques comme Gucci permettent d’acheter des produits directement - des sacs à mains virtuels à 4000 euros dans le monde virtuel Roblox. D’autres permettent d’acheter des produits dans leur boutique virtuelle qui vous sont ensuite livrés dans le monde réel.
Les banques et les assureurs ont aussi très bien compris qu’il fallait être de la partie. JP Morgan, HSBC et Axa, pour ne citer qu’eux, ont tous pris des parcelles et créé des agences virtuelles.
Une vision résumée ainsi par Cyrille Magnetto, VP Innovation d’AXA France : “Le métavers nous permet de présenter une image différente de la marque, d’attirer de nouveaux clients et de faire venir des talents de la tech. Certains de nos collaborateurs utilisent déjà le métavers pour aller prospecter des clients”.
Reste que, même si certaines expériences sont intéressantes, les ventes sont encore très faibles. “Beaucoup de marques ne le diront pas, mais ça ne décolle pas”, explique un bon connaisseur du secteur.
En dépit de prix parfois exorbitants, notamment dans le luxe, les volumes n’ont pas dépassé quelques centaines de milliers de dollars, selon nos informations.
Surtout, les clients ne sont pas légions. Pourquoi ?
D’abord parce que les accès aux métavers ne sont pas simples. Tout le monde ne peut pas se rendre dans The Sandbox en claquant des doigts. “Nous sommes encore à la phase des saisons où on teste le jeu et la technologie avant de l’ouvrir au grand public”, confirme un porte-parole de la société.
Gérer la scalabilité, autrement dit la croissance, du protocole est un vrai défi. Actuellement, aucun métavers n’est capable de supporter la présence de plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs avec une qualité et une sécurité suffisante.
Puis il y a le sujet de l’expérience utilisateur qui est encore très loin d’être satisfaisante. “On vient assez rapidement à bout des expériences de jeu”, explique un investisseur. Sans même parler des équipements à posséder : des wallets pour s’identifier sur les plateformes décentralisées ou des casques de VR pour les metaverses 3D.
Continuer d’investir
Est-ce pour autant une raison de baisser les bras ? Loin de là. Et alors que le métavers est la cible de beaucoup de critiques, notamment depuis que le groupe de Mark Zuckerberg, Meta, en a fait sa priorité, certains considèrent que c’est au contraire le meilleur moment pour apprendre et “construire”.
L’industrie se développe, souligne Frank Desvignes, associé chez True Global Ventures et investisseur dans The Sandbox. “Nous sommes passés de 10 à 230 studios de création dans The Sandbox sur les douze derniers mois", explique-t-il.
Pour beaucoup, le buzz autour du métavers a créé des attentes énorme, mais il faut être patients. “Nous sommes au tout début”, insiste Frank Desvignes. “L’expérience du métavers va s’améliorer et c’est ce qui va attirer les utilisateurs et convaincre les entreprises d’investir”.
Axa fait partie de ces entreprises. Début 2023, l’assureur 🇫🇷 va lancer une “expérience” dans le métavers pour ses clients. “Terminer l’expérience vous fera gagner un NFT qui donnera des avantages aux joueurs dans le métavers et aussi en dehors”, explique Cyrille Magnetto.
Une partie des récompenses pourra se faire sous la forme du token de la plateforme (le SAND chez The Sandbox, le MANA chez Decentraland) qui peut lui-même être converti dans du bitcoin ou des monnaies traditionnelles.
Idem pour Dogami. Les joueurs pourront obtenir des réductions ou des accès privilégiés à des produits partenaires ou dérivés. Ce modèle basé sur la gamification et la propriété est au centre de ce que promet le métavers. Frank Desvignes le résume simplement : “Play, own, earn and have fun” 😎
Le métavers n’est pas condamné. Après une croissance sans doute trop rapide, il doit mûrir et gérer la baisse des marchés. “Il fait juste sa crise d’adolescence”, résume un investisseur dans le secteur. Le véritable enjeu, surtout pour les entreprises, est d’être prêt lorsqu’il passera à l’âge adulte.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.