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Du rejet à l’adoption : pourquoi la finance s’est convertie à la blockchain publique

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Du rejet à l’adoption : pourquoi la finance s’est convertie à la blockchain publique

Du rejet à l’adoption : pourquoi la finance s’est convertie à la blockchain publiqueDu rejet à l’adoption : pourquoi la finance s’est convertie à la blockchain publique

Longtemps boudées au profit d’itérations privées, les blockchain publiques comme Ethereum séduisent désormais les institutions financières. Enquête sur un rapprochement à l’initiative du secteur crypto.

Si l'on remonte quelques années en arrière, le choix d'opter pour une blockchain publique (comme Ethereum) avait quelque chose de vertigineux pour les grandes institutions financières.

Il faut les comprendre : utiliser un réseau décentralisé s'apparente à une perte de souveraineté sur leur activité et un grand saut dans la transparence. Une sorte de révolution copernicienne, surtout pour ces structures habituées à gérer leurs propres réseaux traditionnels, malgré les coûts d'exploitation, parfois exorbitants, et leurs lenteurs.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les premières expérimentations des banques se sont d'abord déroulées sur blockchain privée, c'est-à-dire en réseau fermé, comme en témoigne le groupement autour du consortium R3, qui a réuni à partir de 2017 des établissements comme Barclays, BBVA, Credit Suisse, Goldman Sachs, JP Morgan, Société Générale ou BNP Paribas.

"A l'époque, le peu d'expérimentations qui avaient lieu sur blockchain publique se résumaient souvent à s'envoyer des transactions à soi-même", ironise un banquier français.

Trois raisons principales justifiaient ce choix

👉 La réglementation, notamment en termes de respect de la lutte contre le blanchiment d'argent. Les banques ont l'obligation de connaître les contreparties avec lesquelles elles interagissent, ce qui était loin d'être évident sur une infrastructure ouverte comme Ethereum, basée notamment sur le principe du pseudonymat.

👉 Le coût énergétique des blockchains.

👉 Une fiabilité qui restait à prouver. Si Ethereum a prouvé sa résilience avec les années, il était naturel de se montrer méfiant lors de ses débuts en 2015.

"Mais les choses sont en train de changer", explique Paul-Adrien Hyppolite, cofondateur et PDG de Spiko, une start-up française en cours d'agrément qui exploite la blockchain pour créer une plateforme open source d'émission, de gestion et de distribution de titres financiers.

"Outre sa robustesse, Ethereum a envoyé un signal fort au marché avec son changement de consensus débuté en 2022 qui lui permet désormais de dépenser très peu d'énergie", explique Éliézer Ndinga, responsable de la stratégie et du développement chez 21Shares, un des gestionnaires d'actifs à disposer d'un ETF Bitcoin Spot aux États-Unis.

En effet, Ethereum a fonctionné avec un algorithme de preuve de travail jusqu'à cette date, lui fermant la porte des grandes entreprises contraintes par leurs objectifs RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Un défaut qui appartient désormais au passé depuis le passage à la preuve d’enjeu qui a réduit son empreinte carbone de plus de 99%.

Victoire de la blockchain publique

"Les acteurs traditionnels ont également compris que la blockchain était un réseau de distribution interopérable et transparent qui donnait accès à une audience mondiale", explique Éliézer Ndinga. "Et tout cela se fait en plus en réduisant considérablement le nombre d'intermédiaires pour distribuer un produit", poursuit-il.

"De plus en plus d'institutionnels avec lesquels nous travaillons parient sur un système financier connecté entre différentes blockchains publiques interopérables", abonde Zakaryae Boudi, PDG de FeverTokens, une start-up spécialisée dans la conception et la sécurisation de smart contracts. FeverTokens travaille notamment avec le réseau interbancaire Swift, Société Générale-Forge, Crédit Agricole CIB ou Engie.

Preuve que l'adoption de la blockchain par les grandes institutions financières est en route, BlackRock a lancé le 21 mars le fonds monétaire tokenisé "BUIDL" (BlackRock USD Institutional Digital Liquidity Fund) sur la blockchain Ethereum qui a collecté près de 300 millions de dollars jusqu'à présent.

Et le plus grand gestionnaire d'actifs du monde (10.000 milliards de dollars sous gestion) ne devrait pas s'arrêter là. Selon sa documentation, BlackRock pourrait émettre d'autres types de titres financiers de la même manière sur d'autres réseaux publiques.

Les produits permissionnés ont offert un catalyseur

Pour satisfaire aux contraintes réglementaires, les partisans de l'arrivée d'acteurs financiers traditionnels sur la blockchain ont développé ces dernières années des produits "permissionnés", c'est-à-dire des actifs ou des protocoles nécessitant des autorisations pour y accéder ou être acquis et/ou échangés.

"Si la finance décentralisée (DeFi) est porteuse d'une vision plus ouverte et sans confiance de la finance, chaque produit doit faire face aux réalités réglementaires", souligne la société Steakhouse Financial dans un article d'analyse consacré au BUIDL. Steakhouse Financial est une entreprise qui conseille des organisations autonomes décentralisées (DAO) comme MakerDAO, Lido ou Angle Protocol.

Le stablecoin euro CoinVertible de SG-Forge, la filiale blockchain de Société Générale, fonctionne également de cette façon : seule une poignée d'acteurs répondant aux normes de conformité de la banque peuvent l'utiliser. "C'était obligatoire pour un groupe comme le nôtre", explique son PDG Jean-Marc Stenger.

À l'arrivée, les entités autorisées peuvent profiter d'un actif de règlement directement sur la blockchain, sans mettre en péril les règles de conformité de la banque. Ce dispositif se rapproche de l'ERC-3643 développé depuis 2018 par Tokeny, une plateforme de tokenisation luxembourgeoise qui travaille avec les acteurs institutionnels.

"Notre standard permet d'imposer des règles d'utilisation sur les tokens émis, c'est très intéressant car cela apporte du contrôle alors qu'on se trouve sur une blockchain publique", indique Luc Falempin, le patron de Tokeny.

Même son de cloche chez Franklin Templeton, l'un des géants américains de la gestion d'actifs. "Pour nous, le futur de la finance se situe sur la blockchain publique où les protocoles et produits permissionnés vont se multiplier pour pouvoir être conformes à la réglementation", explique Greg Scanlon, gérant associé de sa branche de capital-risque.

Les projets DeFi ont intégré nativement les besoins de la TradFi

Désormais, les univers de la finance décentralisée (DeFi) et de la finance traditionnelle (TradFi) ne se regardent plus en chien de faïence et la première entend répondre aux demandes de la seconde pour faire passer un cap au secteur.

L'exemple le plus représentatif est illustré par le projet Morpho Blue, qui permet à n'importe quelle entité de créer son marché de prêts et d'emprunts décentralisé avec ses propres règles. Lancé en janvier dernier, ce protocole développé par les Français de Morpho Labs a déjà réussi à attirer plus d'un milliard de dollars de liquidités.

"Le paramétrage à la carte devrait répondre aux besoins des institutions financières qui pourront limiter l'accès aux pools de liquidités aux participants régulés, ainsi il n'y a aucun risque que les fonds soient mélangés avec ceux d'acteurs dont ils ignorent l'identité", explique Paul Frambot, patron et cofondateur de Morpho Labs.

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