Celestia : les raisons d’une hype précoce
C'est la nouvelle blockchain à la mode. Lancée officiellement le 31 octobre, Celestia ne cesse de séduire les investisseurs. Une hype surtout illustrée par sa cryptomonnaie, le TIA, dont le cours a augmenté de +500 % depuis son lancement il y a un peu plus d'un mois et demi.
Alors, comment expliquer une telle progression ?
👉 Une narrative innovante
Le projet est officiellement né en 2019 sous le nom de Lazy Ledger. L'un de ses cofondateurs est Mustafa Al-Bassam. Il est notamment connu pour avoir fait partie du groupe de hackers LulzSec, à l'origine d'attaques contre le FBI et l'entreprise Sony. Pour sa participation, il a écopé d'une peine de prison de 20 mois avec sursis en 2011.
Celestia est construite avec le SDK (Software Development Kit) de l'écosystème Cosmos et supporte l'Inter Blockchain Communication (IBC). Ce protocole se veut être une alternative d'interopérabilité entre blockchains aux ponts classiques, très critiqués pour les nombreux piratages dont ils sont régulièrement la cible.
C’est une blockchain dite modulaire. Concrètement, elle propose de stocker uniquement les données d’autres blockchains qui n’auraient alors qu’à gérer la partie exécution des transactions.
À titre de comparaison, Bitcoin et Ethereum sont des blockchains dites "monolithiques", c'est-à-dire qu'elles gèrent à la fois le stockage des données et la partie exécution des transactions. Dans leur cas, chaque nœud doit vérifier les transactions d'un bloc, ce qui limite grandement le nombre de transactions par seconde et l’interopérabilité.
En clair, cela améliorerait énormément l’efficacité des blockchains qui s’appuieraient sur Celestia car elle pourraient se concentrer uniquement sur l’exécution des transactions.
"Avant l'arrivée de ces blockchains modulaires, il était difficile d'envisager autre chose qu'Ethereum et son EVM (Ethereum Virtual Machine) pour permettre l'interopérabilité des blockchains. Mais les choses sont en train de changer", explique Stanislas Barthelemi, responsable crypto & blockchain chez KPMG.
👉 À quoi son token TIA sert-il ?
Si le TIA connaît un tel succès, c'est notamment parce que Celestia “est la seule blockchain modulaire à avoir lancé sa cryptomonnaie”, explique Clément Aguillé, analyste en finance décentralisée (DeFi) chez Meria, plateforme française d'investissements crypto. “Pour le moment, les investisseurs désireux de s'exposer à ce type de technologie ne peuvent le faire qu'avec le TIA”, ajoute-t-il.
Les équipes de Celestia ont également eu la bonne idée de lancer le TIA au moment où les marchés reprennent.
Mais d'autres explications sont à chercher du côté de son utilité.
Celestia fonctionne en preuve d'enjeu (PoS), comme Ethereum, c'est-à-dire qu'il est possible de toucher un rendement en participant à la sécurisation de la blockchain. C'est ce qu'on appelle le staking . Nous organisons d'ailleurs un petit-déjeuner le 1er février sur le sujet, n'hésitez pas à vous inscrire !
Sur Ethereum , il est nécessaire d'immobiliser au moins 32 ethers, la cryptomonnaie native du réseau, ce qui peut être assez limitant. Au cours actuel, 32 ethers valent environ 60 000 euros, donc ce n’est pas à la portée de tout le monde.
Même s'il est aujourd'hui possible de bénéficier d'un rendement issu du staking sur Ethereum avec de petites sommes en déléguant ses ETH à de nombreux intermédiaires, il n'y avait pendant longtemps pas beaucoup d'acteurs comme Lido proposant ce type de solution.
Pour Celestia, faire fonctionner un nœud directement sur la blockchain coûte plusieurs millions de dollars. En revanche, de nombreux intermédiaires se sont positionnés dès le lancement du TIA pour offrir des solutions de rendement à leurs clients sans contrainte à l'entrée. Actuellement, plus de 46% des TIA en circulation sont stakés, offrant un rendement de 16 % par an.
“Lorsque vous choisissez de staker vos TIA, une période d'immobilisation de trois semaines est imposée par le protocole au moment où vous notifiez que vous voulez sortir de vos positions. Pour le moment, cette contrainte contribue à ne pas provoquer de pression vendeuse sur le marché”, note Clément Aguillé.
Le TIA est également un jeton de gouvernance, c'est-à-dire que ses détenteurs vont disposer d'un pouvoir de vote proportionnel au nombre de jetons possédés.
Au-delà de cette propriété qui est assez commune dans l'écosystème crypto, le TIA est également indispensable pour lancer ces « celestiums », une sorte de blockchains directement rattachées à Celestia.
👉 Des tokenomics contraignantes
Pour le moment, 7,4% de la totalité des TIA ont été distribués aux utilisateurs "grand public", c'est-à-dire hors équipe et investisseurs privilégiés. À terme, ce chiffre montera à 20%, ce qui reste toujours un chiffre relativement faible.
Les investisseurs "professionnels", comprenant notamment les VC ainsi que l'ensemble des équipes à l'origine du projet, se partageront le reste. Le vesting les concernant, c'est-à-dire la période pendant laquelle ils s'engagent à ne pas vendre leurs TIA, s'étend jusqu'au 30 octobre 2024.
Un autre facteur pourrait également contribuer à pousser les investisseurs à détenir du TIA sur le long terme. “Les spéculations sont nombreuses concernant le fait que détenir du TIA donnera accès aux prochains airdrops de projets qui se développeront dans l'écosystème Celestia”, remarque Clément Aguillé.
En revanche, Celestia devra trouver son modèle économique sur le long terme au-delà de la hype. “Le mécanisme de Celestia fait que les frais de transactions baisseront à mesure que son utilisation augmentera. Mais aujourd'hui, rien ne le garantit. Il est aussi assez raisonnable de penser que le cours du TIA est pour le moment surévalué”, avertit Stanislas Barthelemi.