Reading
Jean-Marc Stenger (SG Forge) : "Le marché va se structurer autour de 5 ou 6 stablecoins globaux"

Twitter ARticle Share

Linkedin Article Share

Facebook article share

Jean-Marc Stenger (SG Forge) : "Le marché va se structurer autour de 5 ou 6 stablecoins globaux"

Jean-Marc Stenger (SG Forge) : "Le marché va se structurer autour de 5 ou 6 stablecoins globaux"Jean-Marc Stenger (SG Forge) : "Le marché va se structurer autour de 5 ou 6 stablecoins globaux"

Pionnière sur les sujets blockchain, SG Forge, qui est la filiale crypto de la Société Générale, multiplie les partenariats pour son stablecoin EURCV. L’objectif ? En faire l’un des leaders mondiaux.

The Big Whale : Pendant des mois, vous avez travaillé pour vous mettre en conformité avec la régulation MiCA. Maintenant que celle-ci est entrée en vigueur (30 juin), vous allez pouvoir vous concentrer sur le développement de votre stablecoin (EURCV) qui reste encore tout petit par rapport aux géants du secteur comme l’USDT et l’USDC. Quelle est votre stratégie ?

Jean-Marc Stenger : Effectivement, notre but est désormais de réussir à développer notre stablecoin alors que MiCA a renforcé les contraintes sur la distribution des stablecoins. Tout n’est pas encore très clair, notamment sur les Exchanges et pour certains utilisateurs, mais nous savons que le régulateur va bientôt faire des clarifications. C’est en tout cas ce que nous entendons de notre côté.

Considérez-vous que l’entrée en vigueur du volet stablecoin de MiCA a été ratée ?

Non, mais ce qui est sûr, c’est que tout n’est pas encore totalement clair et qu’il y a des points à éclaircir. En attendant, notre stratégie est claire : Nous avons fait le choix de ne pas attaquer en direct le marché et d’interfacer un certain nombre de partenaires business, comme Bitstamp, qui distribue notre stablecoin.

Aujourd’hui, la plateforme (en cours de rachat par Robinhood, ndlr) fait même plus que distribuer l’EURCV puisque qu’un client en Coinvertible qui voudrait revenir en euro peut le faire directement via Bitstamp. Nous allons multiplier ces partenariats. Nous sommes en phase finale d’onboarding avec d’autres Exchanges.

Est-ce que vous allez continuer de le faire avec des Exchanges européens ou alors potentiellement avec des Exchanges en Asie et en Amérique du Nord ?

En théorie, nous pourrions le faire avec des partenaires en Asie ou en Amérique du Nord, mais pour le moment, nous concentrons nos efforts sur l’Europe, donc les partenaires seront européens.

Au-delà des Exchanges, l’idée est évidemment de faire des partenariats avec d’autres acteurs du marché comme les market makers et les brokers. Une grosse partie des volumes passe par ces entreprises. Nous avons déjà annoncé des partenariats avec Wintermute et Flowdesk, ce qui est un nouveau canal très intéressant pour nous. D’autres market makers sont dans les tuyaux.

Nous visons aussi les grands providers de solutions de custody de crypto. N’importe quel client, n’importe quel utilisateur doit travailler avec un wallet et donc il faut que ces wallets puissent supporter l’EURCV.

Il y a enfin tous les écosystèmes DeFi et les pools de liquidités que nous allons adresser. Nous avons déjà des discussions depuis des semaines avec des acteurs de la DeFi. Pour l’instant, cela reste didactique, le but étant pour nous de bien expliquer comment fonctionne l’EURCV et de dire quelles sont nos contraintes avec MiCA.

Il faut faire beaucoup de pédagogie sur le fonctionnement du smart contract, sur notre white listening. Être en conformité avec MiCA change un peu la donne. Le but est que ces pools de lending puissent proposer l’EURCV dans leurs applications dans les semaines qui viennent.

À qui s’adresse votre stablecoin ?

Nous visons deux grandes familles de clients.

Il y a d’un côté la clientèle crypto, et là nous sommes sur le terrain de jeux des stablecoins existants qui permettent d’investir et naviguer dans cet univers (USDC, USDT, etc).

Il y a de l’autre côté, les entreprises et institutions financières classiques qui, c’est notre conviction, vont de plus en plus utiliser des stablecoins comme instrument de paiement et de livraison dans un univers qui va bien au-delà de la crypto.

Notre pari est vraiment que la monnaie va se numériser et qu’elle va servir à la fois pour les écosystèmes crypto et plus traditionnels. Notre stratégie est vraiment d’être présent des deux côtés. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons été amenés à faire certains choix de structuration pour être sûrs d’adresser ces deux marchés…

On se souvient effectivement de certaines critiques lors du lancement de l’EURCV considéré comme un stablecoin qui n’en aurait que le nom parce que trop centralisé et contrôlé par Société Générale...

Quand vous regardez uniquement les choses avec le prisme crypto, certains choix peuvent en effet paraître anormaux comme le fait de pouvoir bloquer une transaction, mais notre choix a toujours été d’y aller progressivement parce que nous voulons pouvoir adresser les deux mondes, et notamment celui de la finance traditionnelle où il y a des règles et des contraintes très fortes.

Pourquoi est-ce si important qu’il y ait des stablecoins euro comme l’EURCV ?

Il y a deux niveaux de réponse. D’abord d’un point de vue business pour Société Générale, c’est un marché qui est à la fois complètement nouveau et considérable, donc il est indispensable d’être présent. Il y a très peu d’acteurs qui sont positionnés sur ce marché, donc nous avons à la fois la possibilité de participer à sa structuration et d’en devenir par la même occasion un acteur de poids.

On parle désormais d’un marché global qui fait plus de 160 milliards de dollars, ce qui est significatif, et qui est aussi très polarisé avec seulement deux gros acteurs, l’USDT (Tether) et l’USDC (Circle), qui sont des stablecoins dollar et pas euro.

Dans ce contexte, nous avons une vraie place à prendre sur le marché des stablecoins. En plus d’être l’une des seules émanations d’une banque dans la crypto, nous sommes l’un des rares acteurs à pouvoir prétendre à une place importante sur ce marché.

N’est-ce pas aussi un sujet de souveraineté ?

Si, et c’est le second point que je voulais souligner. Il faut qu’il y ait des acteurs européens qui comptent dans ce marché. C’est une question de souveraineté monétaire. Avec l’USDC et l’USDT, les États-Unis ont commencé à digitaliser le dollar, et nous devons faire la même chose avec l’euro.

Nous avons besoin que l’Europe ait ce genre de produits avec une régulation adéquate. Comme l’a d’ailleurs souligné Jeremy Allaire (patron de Circle, ndlr), justement dans une interview avec vous, c’est intéressant de voir que c’est l’Europe qui est la première à avoir régulé le dollar numérique. Maintenant il faut aussi avoir un euro numérique.

Dans le futur, il pourrait y avoir des dizaines, voire des centaines de stablecoins différents. Est-ce un problème ? Comment les gens vont-ils s’y retrouver ? Pourquoi n’avez-vous pas lancé votre stablecoin avec des partenaires ?

C’est un excellent point, mais avant toute chose, je pense qu’il faut se sortir de la tête l’analogie que l’on fait spontanément entre les stablecoins et les billets et les pièces, parce que ce n’est pas forcément la même chose.

Aujourd’hui, il y a d’un côté la monnaie de banque centrale, c’est-à-dire la monnaie que nous avons dans nos porte-monnaies, et puis il y a la monnaie commerciale qui est émise par les banques au travers de l’inscription à leur bilan et qui est utilisée sur des échanges monétaires.

Demain, la monnaie que nous avons dans nos portefeuilles va être remplacée par des tokens émis par la Banque centrale européenne et qui seront disponibles dans nos téléphones portables.

À côté de cela, pour des échanges soit sur des marchés de capitaux ou alors des opérations dans le monde crypto, nous allons avoir des stablecoins comme l’EURCV. Mais je ne pense pas que nous en verrons beaucoup parce que la marche est très haute. Le point mort d’activité est très haut et tout le monde n’a pas les reins assez solides pour gérer ce genre d’activité.

En réalité, ce sont des marchés qui poussent plutôt pour une consolidation et une concentration de la liquidité sur certains produits. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que ces produits sont fortement régulés avec toutes les contraintes que vous connaissez.

Les stablecoins sont des actifs critiques du fonctionnement de l’écosystème crypto, donc il y aura forcément des barrières, soit réglementaires, soit de marché qui s’établiront très rapidement. Je pense que c’est pour cette raison qu’il n’y aura pas beaucoup de stablecoins crédibles au niveau mondial. Il y en aura 5 ou 6 très larges et globaux, et après il pourrait en avoir une ribambelle, mais très petits et très spécifiques, et sans doute voués à disparaître rapidement.

Pour être un acteur “global”, il faut être utilisable partout. L’USDC et l’USDT peuvent être utilisés pour acheter du pain. Est-ce le cas avec l’EURCV ?

L’EURCV n’a pas été conçu pour cela. Si le boulanger parisien acceptait les paiements en crypto, ce serait possible, techniquement et financièrement, mais sur ce cas concret, je pense que cela sera beaucoup plus pratique de payer avec des monnaies numériques de banques centrales.

En revanche, dans l’univers crypto, l’EURCV va avoir beaucoup plus d’utilité par exemple sur les protocoles de lending (prêt et emprunt). Un protocole de lending est une banque dématérialisée façon DAO. À la fin, quand on enlève toute la fumée et les concepts, c’est ce qu’il reste. Pour ces applications-là, nous aurons besoin de cash numérique, et nous espérons que l’EURCV sera la bonne réponse.

Quelle est pour vous la grande différence entre ce que fait BlackRock avec son fonds BUIDL et ce que vous faites ?

Il y a plusieurs modèles de cash numérique, mais je pense que le modèle le plus pertinent lorsque l’on parle de cash numérique, c’est celui du stablecoin.

Un asset manager qui tokénise un fonds monétaire, cela reste un fonds monétaire tokenisé. De la même façon, une obligation d’État tokenisée, cela reste une obligation d’État, telle qu’elle est définie par le droit.

Quand JP Morgan lance son JPM Coin, on parle d’un compte en banque tokenisé, pas de cash numérique. Il y a des fonds tokenisés, des obligations tokenisées, des comptes en banque tokenisés et du cash tokenisé. Ce n’est pas pour rien qu’on a inventé une réglementation spécifique pour les stablecoins qui sont du cash tokenisé.

Qu’est-ce qui devrait inciter les entreprises et les particuliers à utiliser votre stablecoin ?

Les stablecoins sont le meilleur moyen de rentrer dans la crypto, parce qu’ils sont simples à comprendre : un stablecoin vaut 1 pour 1 et ils permettent de faire de l’on-ramp (rampe d’entrée) et de l’off-ramp (rampe de sortie), c’est-à-dire de passer d’un monde à l’autre sans friction.

Il ne faut pas perdre de vue que nous allons continuer de vivre dans un monde où il y aura du vrai cash avec des entreprises qui ont des ‘vrais’ échanges commerciaux, et que nous allons hybrider ce monde avec le monde crypto et que la passerelle entre les deux mondes, ce seront effectivement les stablecoins.

Tout ce qui compte dans le Web3. Chaque semaine.
25€/mois
30 jours d’essai gratuit.
S'abonner
Tout ce qui compte dans le web3.
Les meilleurs news et analyses cryptos. Chaque semaine. 100% indépendant.
S'abonner
Dans cet article
No items found.
Dans cet article
No items found.
Prochain article
No items found.
Dans cette catégorie