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Institutionnalisation du Bitcoin : état des lieux et perspectives

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Institutionnalisation du Bitcoin : état des lieux et perspectives

Institutionnalisation du Bitcoin : état des lieux et perspectivesInstitutionnalisation du Bitcoin : état des lieux et perspectives

L’acquisition massive de bitcoins par les grandes institutions financières est devenue une réalité en 2024. Les États-Unis mènent la danse, loin devant l’Europe où des résistances idéologiques persistent.

Le Bitcoin, autrefois considéré comme une innovation marginale ou une simple lubie de technophiles, s'impose désormais au cœur des stratégies des grandes institutions financières. Bien qu'il ne s'agisse pas encore d'une véritable déferlante, la première des cryptomonnaies, avec une capitalisation de 1200 milliards de dollars, connaît une adoption progressive et soutenue par les acteurs établis de la finance mondiale.

Cette institutionnalisation a pris un coup d'accélérateur au début de l'année 2024 avec le lancement des ETF aux États-Unis. À la mi-août, l'ensemble des avoirs détenus par les différentes firmes émettrices (BlackRock, Grayscale, Fidelity, etc.) atteignait 54 milliards de dollars. Un chiffre marquant : le géant BlackRock détenait alors 1,7 % de l'offre totale de bitcoins, soit un peu moins de 21 milliards de dollars. Des montants impressionnants accumulés en seulement sept mois.

“1100 grandes entreprises financières américaines détenaient du bitcoin au deuxième trimestre, en augmentation de 14% par rapport au premier trimestre”, souligne Benoît Pellevoizin, directeur France de CoinShares, un gestionnaire d'actifs européen qui dispose également de son ETF aux États-Unis. “Dans toute l’histoire des ETF, les ETF Bitcoin sont ceux qui ont le mieux démarré”, ajoute-t-il.

Bitcoins détenus par les émetteurs d'ETF américains depuis janvier en excluant le trust Grayscale (en dollars)

Bitcoins détenus par les émetteurs d'ETF américains en incluant le trust Grayscale (en dollars)

L'engouement pour les ETF Bitcoin s'explique aisément. Ces produits permettent d'acquérir une version synthétique du bitcoin via un simple compte-titres, sans avoir à se soucier de la conservation des actifs, assurée par des professionnels (le plus souvent Coinbase). Et surtout : les ETF sont régulés par la SEC, le gendarme financier américain.

“Avoir du bitcoin dans son portefeuille, c’est améliorer sa résilience, sa diversification et sa performance”, déclare Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie de la plateforme d’échange française Paymium. “Il devient anormal pour un institutionnel de ne pas avoir une allocation dans son portefeuille. Il devient risqué de ne pas être exposé, que ce soit pour des raisons financières ou commerciales, car maintenant que l’offre existe ailleurs, l’appel d’air a commencé et les clients peuvent aller voir ailleurs”, poursuit-il.

>> Philippe Lafaye (Capital Fund Management) : “L’approbation est clairement un tournant pour toute l’industrie crypto”

Mais les institutionnels les plus audacieux n'ont pas attendu les ETF pour s'exposer au Bitcoin.

💰 Grayscale a été l'un des premiers fonds d'investissement à offrir un produit financier basé sur le Bitcoin, avec le lancement du Grayscale Bitcoin Trust (GBTC) en 2013. Ce fonds a été récemment transformé en ETF pour s'ouvrir à un marché plus large.

💰 MicroStrategy, une entreprise américaine de logiciels, a été l'une des premières grandes compagnies cotées en bourse à investir massivement dans le Bitcoin. Sous la direction de son PDG, Michael Saylor, elle a initialement acheté 21454 bitcoins pour environ 250 millions de dollars en août 2020. MicroStrategy continue d'en accumuler, devenant un symbole de l'adoption institutionnelle du Bitcoin. À la mi-août 2024, l'entreprise détenait plus de 13 milliards de dollars en bitcoins, la plaçant en tête des entités mondiales en détention propre.

💰 Block (ex-Square), une société de paiements américaine dirigée par Jack Dorsey, a acquis 4 709 bitcoins pour environ 50 millions de dollars en octobre 2020. Jack Dorsey, fervent défenseur du Bitcoin, voyait en cette acquisition un soutien à une monnaie numérique pouvant devenir la monnaie d'Internet. Depuis, Square a renforcé sa position (elle en détient pour 492 millions de dollars) et a intégré la cryptomonnaie dans ses services financiers, notamment via Cash App.

💰 MassMutual, une compagnie d'assurance américaine, a marqué un tournant en décembre 2020 en achetant 100 millions de dollars de bitcoins, marquant ainsi l'entrée du Bitcoin dans le secteur traditionnellement conservateur de l'assurance.

💰 Tesla, le constructeur de véhicules électriques dirigé par Elon Musk, a fait sensation en février 2021 en annonçant l'achat de 1,5 milliard de dollars de bitcoins en janvier de la même année. Bien que Tesla ait ensuite réduit sa position (elle en détient actuellement pour un peu moins de 600 millions de dollars), cette décision a constitué un moment crucial dans l'institutionnalisation du Bitcoin.

Il est intéressant de noter que la plupart de ces opérations ont eu lieu entre fin 2020 et début 2021. À l'exception de MicroStrategy, qui continue d'acquérir régulièrement des bitcoins, aucune autre grande entreprise n'en achète directement aujourd'hui. Désormais, la quasi-totalité des volumes institutionnels passent par les ETF.

>> Michael Saylor (MicroStrategy) : son interview exclusive à The Big Whale

“Que les institutionnels passent par des spécialistes et professionnels ou par des produits structurés qui correspondent à leurs habitudes, cela me semble être une tendance de marché inévitable”, analyse Alexandre Stachtchenko. “Tant que l'on reste dans une phase où l'exposition financière est prioritaire, il y aura des acteurs prêts à payer un tiers pour prendre en charge la conservation et les risques associés. C'est normal”, ajoute-t-il.

“Bien sûr, cela n'est pas très en phase avec l'éthique du Bitcoin, en particulier l'auto-conservation”, reconnaît l'expert. “Mais je pense que, sauf événement macroéconomique majeur, c'est inéluctable : plus l'adoption grandit, plus les nouveaux venus, en proportion importante, ne souhaiteront pas s'encombrer. Tant que l'alternative de la possession en propre n'est ni criminalisée ni suspectée de tendances déviantes, ce n'est pas un problème en soi.”

Explosion de l'intérêt chez les grandes banques américaines

Le cas de Goldman Sachs est révélateur. Le 13 avril 2024, la banque d'investissement, gérant 2800 milliards de dollars d'actifs, a révélé détenir 418 millions de dollars de parts dans des ETF Bitcoin, dont près de la moitié dans celui de BlackRock.

D'autres grandes institutions financières ont également divulgué des investissements importants depuis le lancement des ETF en janvier.

Morgan Stanley, une banque d'investissement américaine avec 1500 milliards de dollars sous gestion, a déclaré détenir pour 269 millions de dollars de titres Grayscale dans ses dépôts pour le premier trimestre 2024. Wells Fargo, une banque américaine gérant 603 milliards de dollars d'actifs, a révélé avoir 120 millions de dollars d'actifs dans des ETF Bitcoin, principalement chez Grayscale, dans son rapport du deuxième trimestre. JPMorgan Chase, une autre grande banque avec 2 900 milliards de dollars sous gestion, a également rapporté détenir environ 1,4 million de dollars dans des ETF Bitcoin au dernier trimestre.

Outre les banques, d'autres acteurs financiers significatifs ont aussi investi massivement, comme le fonds de pension public de l'État du Wisconsin, qui a engagé 164 millions de dollars.

L’Europe à la traîne

“Il y a clairement un avant et un après ETF pour le Bitcoin aux États-Unis”, commente Benoît Pellevoizin de CoinShares. Toutefois, le succès est nettement moins éclatant en Europe. Aucune grande banque d'investissement européenne n'a activement investi dans cet espace. Bien que des rumeurs circulent sur l'arrivée de grands gestionnaires d'actifs, comme Amundi ou DWS, qui lanceraient leurs propres produits crypto, rien de concret n'a encore émergé.

Début mai, un document de la SEC a révélé que BNP Paribas avait acquis pour un peu moins de 42.000 dollars de parts dans l’ETF Bitcoin de BlackRock. Selon nos informations, cette opération a été réalisée pour le compte d'un client de la banque. Un bilan bien maigre comparé à ses homologues américaines.

“En Europe, on observe un intérêt pour le Bitcoin de la part des family offices, notamment en Allemagne et en Suisse, ainsi que de certains hedge funds, mais cela s'arrête là pour le moment”, note Benoît Pellevoizin. “Malgré le boom observé aux États-Unis, les questions de réputation freinent encore les acteurs financiers européens”, déplore-t-il.

On en arrive parfois à des situations absurdes, lorsque des banques refusent d'exécuter les ordres de leurs clients, souvent fortunés, souhaitant accéder à des ETP Bitcoin (l'équivalent européen des ETF américains), bien que ces derniers soient parfaitement régulés. “On assiste actuellement à une véritable bataille entre les gestionnaires d'actifs, qui ont tout intérêt à voir ce secteur se développer, et les banques européennes, qui font de la résistance pour offrir ces produits à leurs clients”, confie un bon connaisseur du secteur.

Pourquoi les banques américaines seraient-elles moins réticentes ? “Money talks”, lance-t-il, soulignant que celles-ci n'hésitent pas à proposer une exposition au Bitcoin si cela peut leur rapporter de l'argent.

Bitcoin et les cryptos

Malgré le retard des institutions européennes, l'appétit pour le Bitcoin semble bien présent et devrait continuer à croître. Selon une étude menée fin 2023 par la plateforme d'échange américaine Coinbase auprès de 250 investisseurs institutionnels, 64% de ceux qui détiennent déjà des cryptos prévoient d'augmenter leur allocation dans les trois prochaines années. Plus intéressant encore, 45% des acteurs institutionnels n'ayant pas encore de cryptos envisagent de franchir le pas sur la même période.

Et dans de nombreux cas, c'est le Bitcoin qui devrait être massivement choisi. “Bitcoin est hors catégorie, ce n'est pas une crypto parmi les autres, il y a Bitcoin et il y a le reste”, affirme Alexandre Stachtchenko. “Bitcoin, c'est de l'épargne ; le reste, c'est de l'investissement. Bitcoin se distingue par sa narrative d'actif alternatif, de réserve de valeur anti-système, d'or numérique, etc.”, assure-t-il.

“Et quand on sait que 80% des investissements des Américains sont en réalité gérés par des acteurs institutionnels, contre seulement 10% dans le cas du Bitcoin, on se dit qu'il reste une marge de progression impressionnante”, conclut Benoît Pellevoizin.

>> Rapport - Actifs numériques : quelle stratégie pour les investisseurs institutionnels ?

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