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Francis Pouliot (Bull Bitcoin) : “Mon rôle consiste à avaler la pilule réglementaire pour faire avancer la cause du Bitcoin”

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Francis Pouliot (Bull Bitcoin) : “Mon rôle consiste à avaler la pilule réglementaire pour faire avancer la cause du Bitcoin”

Francis Pouliot (Bull Bitcoin) : “Mon rôle consiste à avaler la pilule réglementaire pour faire avancer la cause du Bitcoin”Francis Pouliot (Bull Bitcoin) : “Mon rôle consiste à avaler la pilule réglementaire pour faire avancer la cause du Bitcoin”

Alors que l’arrivée en France de la plateforme Bull Bitcoin, d’origine canadienne, se précise, son CEO Francis Pouliot détaille la singularité de son modèle.

Pouvez-vous revenir sur l’historique de Bull Bitcoin ?

Bull Bitcoin est une plateforme d’échange de bitcoins non-custodial fondée en 2015 au Canada. Nos deux particularités principales sont la “non-custodie”, c’est-à-dire que nous ne détenons vos bitcoins, et le fait que nous soyons un échange qui se concentre uniquement sur le Bitcoin. Lorsqu'un utilisateur achète des bitcoins chez nous, il doit nous fournir son adresse Bitcoin avant de pouvoir finaliser son achat. C'est pareil pour la vente : lorsqu’un utilisateur nous vend des bitcoins, il ne fait pas de dépôt chez nous, mais crée un ordre de vente.

Pourquoi proposer un tel système ?

Cette décision est à la fois éthique, pratique et réglementaire. D'un point de vue éthique, notre objectif n'est pas de permettre aux gens d'avoir seulement une exposition au prix du Bitcoin, mais de les encourager à retrouver leur souveraineté et leurs libertés individuelles. Nous voulons former des "bitcoiners" et pas simplement offrir des produits d'investissement.

Sur le plan pratique, pour une start-up dans l'industrie crypto, l'un des plus grands défis est la conservation sécurisée des actifs. En ne fournissant pas ce service, nous réduisons nos coûts et nos risques. Enfin, sur le plan réglementaire, ne pas détenir les actifs enlève une grande partie de la pression liée à la conformité, que ce soit au Canada ou en Europe. Nos utilisateurs gèrent eux-mêmes leurs bitcoins et nous, nous évitons la gestion des actifs.

Pourquoi s’intéresser uniquement au Bitcoin ?

En ce qui concerne le Bitcoin-only, je crois fermement au Bitcoin comme étant la monnaie de réserve mondiale, une unité de compte universelle et un moyen de paiement global. Notre but est de remplacer le système fiat par le Bitcoin. Voilà ce qui différencie Bull Bitcoin de la concurrence.

Quel intérêt de passer par Bull Bitcoin si je peux, par exemple, acheter mes bitcoins sur Coinbase et les envoyer sur mon wallet ?

Il y a plusieurs raisons. Premièrement, nous avons un service à la clientèle exceptionnel qui accompagne l'utilisateur de bout en bout. Nous aidons à créer un portefeuille, le sécuriser et apprendre à l'utiliser. Avec des services comme Coinbase, le service client est plus impersonnel, et il n'y a pas forcément d'experts Bitcoin au bout du fil pour répondre à des questions spécifiques.

De plus, avec Coinbase, il est facile pour un utilisateur de laisser ses bitcoins sur la plateforme au lieu de les retirer dans un portefeuille personnel, ce qui comporte des risques comme on l'a vu avec FTX. Si tu recommandes à un ami d’acheter du Bitcoin via Coinbase, il pourrait également être tenté d'investir dans d'autres cryptos, que je surnomme des “shitcoins”. Chez nous, on élimine cette possibilité. Nous n’acceptons pas non plus les paiements par carte de crédit, uniquement des virements bancaires, et au niveau des frais, nous sommes très compétitifs avec Coinbase.

“Nous avons 100 000 clients à travers le monde”

Comment votre système fonctionne-t-il ?

Bull Bitcoin fonctionne comme un service de type OTC (Over-The-Counter) automatisé. Nous n'avons pas de carnet d’ordres, donc il n'y a pas d'ordres d'achat ou de vente limités comme sur un exchange traditionnel. Lorsqu’un client souhaite acheter des bitcoins, il commence par envoyer un virement SEPA. Contrairement à d'autres plateformes, nous n'autorisons pas le dépôt de fonds en euros avant l'achat. Une fois les fonds envoyés, le client peut créer un ordre d'achat. Nous gardons en permanence un stock de bitcoins en inventaire, suffisant pour exécuter des ordres jusqu'à plusieurs millions d'euros. Dès que l'utilisateur confirme son ordre d'achat, nous envoyons immédiatement les bitcoins vers son portefeuille.

De notre côté, notre tâche consiste à acheter ces bitcoins. Ils peuvent venir d'autres clients qui vendent sur notre plateforme, car nous avons un flux constant d'achats et de ventes. Si un déséquilibre survient (plus d'acheteurs que de vendeurs sur une courte période), nous allons sur le marché pour acheter auprès de nos fournisseurs de liquidité, qui peuvent être des exchanges ou des services professionnels qui exécutent des ordres sur plusieurs plateformes. Finalement, notre modèle d’affaires repose sur l’écart entre le prix auquel nous vendons les Bitcoins et celui auquel nous les rachetons sur le marché.

Combien de clients comptez-vous ?

Nous sommes principalement présents au Canada avec environ 100 000 clients. Nous opérons depuis 2015 et avons récemment étendu notre présence au Costa Rica en 2023. D'ailleurs, à ma connaissance, nous sommes le seul échange Bitcoin basé au Costa Rica. La transaction moyenne chez nous est d'environ 30 000 euros, donc nous nous spécialisons dans les investisseurs fortunés, même si nous offrons aussi des services pour les particuliers avec des achats plus petits. Nous réalisons également des transactions jusqu'à plusieurs millions d'euros.

Nous nous situons dans un segment de marché entre les plateformes d'achat instantané de petites sommes et les ETF pour les investisseurs institutionnels. Nous avons aussi un pourcentage non négligeable d'entreprises qui utilisent nos services, représentant environ 10 à 15 % de notre volume.

Historiquement, Bull Bitcoin a été davantage utilisé pour la vente de Bitcoins que pour l'achat, avec environ 65 % de transactions de vente et 35 % d'achat. Cela est probablement dû aux fonctionnalités plus avancées que nous proposons pour la vente, comme la garantie du prix lors de transactions "ZeroConf". Par exemple, si un utilisateur vend des Bitcoins lorsque le prix monte, il n'a pas à attendre la confirmation de la transaction avant que le prix soit fixé.

Comment fonctionne votre structure de frais ?

Nous avons un modèle de spread tout compris. Il n’y a pas de frais de dépôt, de retrait ou de trading. Notre marge provient exclusivement du spread, qui est généralement d'environ 2 % à l'achat et à la vente. Cela étant, nous envisageons de baisser ce spread en Europe pour être plus compétitifs. Sur notre site, les prix d'achat et de vente sont clairement affichés, comme dans un bureau de change.

“Une fois conformes en France, nous avons de bonnes chances de l’être à l’échelon européen”

Vous êtes présents au Canada, au Costa Rica et d’ici quelques semaines en France. Pourquoi attaquer la France plutôt qu'un autre marché, comme les États-Unis, qui est géographiquement plus proche ?

Il y a plusieurs raisons. Premièrement, il y a une raison personnelle : je suis l'unique actionnaire de BullBitcoin, et mes décisions sont souvent influencées par mes besoins personnels. J'habite au Costa Rica, c'est pourquoi nous y avons lancé un service. Je suis aussi d'origine française, je passe beaucoup de temps en France, ma femme est française et j’ai beaucoup d'amis et de famille là-bas. Je voulais donc un service que je pourrais utiliser quand je suis en France.

Ensuite, sur un plan pratique, l'arrivée de la réglementation européenne MiCA a pesé dans la balance. MiCA uniformise les exigences de conformité en Europe. Nous aurions pu nous installer dans des pays avec des régulations plus souples, comme la Pologne ou l'Estonie, mais avec MiCA, nous aurions dû nous conformer tôt ou tard. En France, les exigences réglementaires sont déjà très strictes, donc une fois conformes en France, nous avons de bonnes chances de l’être à l’échelon européen. De plus, la majorité de notre équipe est francophone, ce qui facilite les opérations.

Enfin, j'ai rencontré des partenaires exceptionnels en France, comme Théo Mogenet et Gilles Cadignan, qui sont des figures importantes du milieu Bitcoin en France. Cela a facilité notre implantation.

Vous avez racheté un PSAN français déjà existant pour vous installer en France (Bitcoin Lyon). Comment le processus s’est-il déroulé vis-à-vis du régulateur ?

Après le rachat d'un PSAN, il faut faire une déclaration à l'AMF et soumettre beaucoup de documents administratifs. C'est un processus très bureaucratique. Heureusement, nous avons le même programme d'activité que Bitcoin Lyon : nous sommes Bitcoin-only et nous n'offrons pas la conservation d'actifs. Nous sommes en cours de validation avec l'AMF, et le prochain objectif sera de nous conformer à MiCA, pour pouvoir servir toute l'Europe.

“Le meilleur service client de la planète”

Le secteur des PSAN est déjà bien encombré en France. Comment comptez-vous vous distinguer de StakinSat, avec qui vous partagez une vision commune ?

Je pense que notre professionnalisme, notamment au niveau du service client, nous distingue. Nous avons, selon moi, le meilleur service client de la planète. Nous avons également une approche axée sur la liberté individuelle et la souveraineté financière. Notre technologie est entièrement développée en interne, nous ne dépendons pas de tierces parties pour notre infrastructure de portefeuille. Cela nous permet de proposer des transactions Bitcoin instantanées et un service extrêmement fiable.

Pourriez-vous envisager une fusion entre Bull Bitcoin et StakinSat à l’avenir ?

Ce n'est pas quelque chose que nous envisageons pour l'instant. Nous sommes encore en phase d'acquisition avec Bitcoin Lyon et souhaitons d'abord stabiliser cette opération. Nous avons notre propre marque et infrastructure technologique, et nous n'avons pas forcément besoin d'acquérir d'autres entreprises pour le moment. Cela dit, nous avons des ambitions mondiales. L'Europe est une priorité, mais nous avons aussi des projets en cours au Mexique et dans d'autres juridictions.

Le lancement officiel en France, c'est pour quand ?

D’ici environ moins d’un mois. Techniquement, nous sommes prêts, mais nous travaillons encore sur la compatibilité avec SEPA et le KYC français. La plateforme sera opérationnelle pour les utilisateurs français d’ici 6 semaines, et la version mobile devrait être prête d’ici la fin de 2024.

Comment appliquez-vous les procédures KYC (Know Your Customer) ?

Contrairement à d'autres pays où nous opérons, les exigences KYC en France sont très strictes. Le KYC doit être appliqué dès le premier euro. Il n’y a donc pas de possibilité d’éviter cette vérification, même pour les petits montants. Cela diffère du Canada, par exemple, où un KYC n'est pas nécessaire pour des transactions inférieures à 1 000 CAD (environ 650 euros, ndlr). Mais en France, c'est obligatoire pour toutes les transactions.

“Mon rôle est d’avaler la pilule de la bureaucratie pour faire avancer la cause du Bitcoin”

Comment gérez-vous la conformité pour les ventes ? Utilisez-vous des outils d'analyse blockchain pour vérifier l’origine des bitcoins de vos clients ?

La conformité est un aspect crucial et commun à toutes les juridictions dans lesquelles nous opérons. Pour l’identification des clients, nous utilisons une plateforme d'analyse des pièces d'identité. Lorsqu'un client fournit ses documents, ceux-ci passent par une plateforme qui les analyse et nous gardons une copie en interne, puis nous supprimons les données de la plateforme. Nos partenaires d'analyse ne conservent pas les informations de manière permanente.

En termes de contrôle de la provenance des bitcoins, nous avons un programme de conformité développé depuis près de dix ans. Sans entrer dans trop de détails, notre approche est axée sur la prévention. Si nous avons des doutes ou si une transaction semble suspecte, nous contactons directement le client pour poser des questions. Notre but est de nous conformer à la loi tout en rendant le processus d'intégration aussi fluide que possible pour nos utilisateurs.

En France, il y a souvent des tensions entre les PSAN et les banques. Vu le nom de votre société, Bull Bitcoin, cela pourrait poser des problèmes de bancarisation pour votre société. Comment envisagez-vous cette situation ?

C’est une excellente question, et c’est effectivement un défi auquel nous avons déjà été confrontés au Canada. Le nom de notre société légale est Leonard Inc., tandis que Bull Bitcoin est simplement notre nom commercial. C’est une façon d’éviter les problèmes potentiels liés à la stigmatisation du nom "Bitcoin" auprès des banques.

Cela dit, nous avons réussi à établir des relations solides avec plusieurs institutions financières, à la fois au Canada et en Europe. Il est encore trop tôt pour mentionner publiquement nos partenaires bancaires en Europe, mais nous avons quatre partenaires différents qui nous permettent d’opérer sans problème. Il s'agit d’institutions financières spécialisées dans les services bancaires pour les entreprises crypto, et la plupart des gens dans l’industrie connaissent leurs noms (Olky est souvent un partenaire de choix pour ce type d’activité, ndlr).

Même au Canada, où les banques peuvent parfois être réticentes à travailler avec des entreprises crypto, nous avons réussi à nouer des relations solides avec plusieurs d'entre elles. Et comme nous générons du volume et des frais de transaction pour elles, ces banques sont désormais très satisfaites de travailler avec nous.

En tant que “bitcoiner”, ne trouvez-vous pas paradoxal de devoir avoir une si bonne relation avec les banques, alors que Bitcoin, à la base, est une alternative aux banques ?

C'est effectivement un paradoxe. Si je devais refaire ma carrière de bitcoiner, j’aurais probablement choisi une voie différente. Peut-être que je me serais concentré sur des wallets ou sur le développement de protocoles, car la majorité de mon temps est aujourd'hui consacrée à traiter avec des banques et des régulateurs. En tant que libertarien et partisan de la liberté individuelle, ce n'est pas forcément ce que je trouve le plus agréable.

Cela dit, je me dis qu'il faut que quelqu'un le fasse. Je ne prétends pas être un martyr, mais je considère mon rôle comme celui de quelqu’un qui doit "avaler la pilule" de la bureaucratie et des réglementations pour faire avancer la cause du Bitcoin. Si je ne le faisais pas, d’autres le feraient, mais peut-être pas avec les mêmes principes ou la même éthique que moi. Alors, oui, c’est parfois frustrant, mais la satisfaction de savoir que nous aidons des milliers de personnes à devenir souveraines dans leur gestion de Bitcoin compense largement ce fardeau.

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