Ça y est, les investisseurs américains vont enfin pouvoir investir, et ce dès demain, dans le bitcoin avec des ETF. En quoi est-ce si positif pour le secteur ?
Nous entrons dans une ère nouvelle et il y a de quoi être confiant. Avec les ETF, des millions d’épargnants vont pouvoir investir avec un simple compte-titres et derrière il y aura de l’achat physique de bitcoins.
Beaucoup anticipent un choc d’offre qui pourrait booster son prix, notamment en raison des caractéristiques du bitcoin, comme la limite des 21 millions d’unités et surtout une offre disponible en faible quantité sur les exchanges (1,8 million de bitcoins).
BlackRock, Fidelity, etc. Les plus grands noms de la finance vont désormais pouvoir proposer du bitcoin. Est-ce que cela pourrait avoir un impact sur l’opinion des investisseurs ?
C’est très probable, car on parle des plus grandes institutions financières de la planète. Pour attirer les clients vers ces nouveaux produits, ces sociétés devront faire du marketing et vanter les qualités du bitcoin en tant que placement. C’est là que je vois le plus gros bouleversement, même si je ne m’attends pas à un changement de paradigme immédiatement.
Je regarde le long terme : désormais tout le monde va pouvoir investir dans le bitcoin, même les fonds de pension. Avec les ETF, plus besoin de s’occuper de la conservation et l’on sait que c’était l’un des points bloquants pour de nombreux acteurs. Il faut s’en rendre compte : cela paraissait inimaginable il y a encore quelques années. L’approbation des ETF Bitcoin Spot est clairement un tournant pour toute l’industrie.
L’arrivée de mastodontes comme BlackRock pourrait-elle avoir un impact sur les acteurs traditionnels de la crypto ?
On devrait assister à une guerre autour des acteurs qui s’occuperont de la conservation des bitcoins - Coinbase est aujourd’hui en pole position -, mais aussi du côté des Exchanges. Je vois aussi un impact avec les frais proposés par les émetteurs des ETF : ils sont bien plus bas que ceux des plateformes d’échange, mais aussi ceux pratiqués par les émetteurs des ETP crypto qui sont déjà disponibles en Europe (CoinShares, 21Shares, etc.). Ce n’est pas impossible que certains réévaluent leur politique tarifaire à la baisse.
Justement, les frais des ETF Bitcoin sont extrêmement bas. Comment expliquer cette stratégie ?
L’objectif de BlackRock et de ses concurrents est d’avoir le maximum d’argent sous gestion pour devenir les leaders sur le marché, quitte à baisser les frais le plus possible. Offrir les frais les plus bas, c’est le moyen d’attirer le plus de liquidités.
Les émetteurs des ETF vont-ils acheter en masse des bitcoins pour répondre à la demande des premières semaines ?
Cela ne sera pas flagrant car je n’anticipe pas de ruée sur le bitcoin. Pour l’instant, le sujet n’est pas prioritaire chez les investisseurs. Et il ne faut pas croire que les émetteurs vont se rendre sur les plateformes d’échange traditionnelles. Ils vont travailler avec des desks OTC (over the counter) et des market makers afin d’acheter au meilleur prix et sans occasionner des fluctuations de marché.
Comment se pilote la gestion d’un ETF ?
C’est très simple, cela fonctionne sur le modèle de la souscription/rédemption. En fonction des flux entrants et sortants de la part des investisseurs, les émetteurs des ETF devront acheter ou vendre des bitcoins sur le marché.
L’objectif est de s’assurer que la composition en bitcoins de l’ETF colle à la valeur du titre financier vendu. Les frais appliqués par les émetteurs sont appliqués chaque année à partir de l’ensemble des fonds sous gestion (entre 0,2% et 1,5% selon les émetteurs, ndlr).
À combien d’afflux de liquidités peut-on s’attendre en 2024 ?
Cela devrait être important, ça ne m’étonnerait pas que 50 à 100 milliards de dollars arrivent dans les cryptos cette année. Je suis très curieux de voir comment le bitcoin va réagir. Si cela se passe comme pour l’or après le lancement des premiers ETF, le prix devrait fortement augmenter.
La conséquence, c’est que l’arrivée d’acteurs sophistiqués sur le marché pourrait complexifier le trading de bitcoins et les convictions de certains pourraient être mises à rude épreuve.
Cela veut dire qu’il faut envisager une baisse du cours ?
Nous ferons le bilan dans un mois lorsque nous aurons les données sur l’afflux des liquidités arrivées dans les ETF. Néanmoins, il faut aussi se rappeler que toutes les grosses informations institutionnelles (contrats à terme bitcoin au CME de Chicago en décembre 2017, introduction en Bourse de Coinbase en avril 2021, contrat à terme spot en novembre 2021) ont souvent coïncidé avec des sommets de marchés.
Une baisse serait, selon moi, assez saine car le bitcoin a énormément progressé ces derniers mois sous l’effet de l’arrivée hypothétique des ETF. Cela serait l’occasion de repartir sur des bases plus saines avant de viser des plus hauts. D’autres événements pourraient ensuite soutenir le cours comme le halving du bitcoin, qui n’a jamais été mauvais pour le secteur.
Si les ETF se popularisent, n’y a-t-il pas un risque qu’une grande partie des bitcoins en circulation soient accaparés par leurs émetteurs ?
C’est probable qu’une grande quantité de bitcoins sera gérée par les émetteurs des ETF, néanmoins ils seront plusieurs et cela limite la mainmise d’un seul acteur. En revanche, ils seront tous sous la surveillance de l’administration américaine ce qui peut poser d’autres problèmes.
Je pense que les critiques sont légitimes, mais ce n’est pas nouveau de voir certains acteurs institutionnels détenir beaucoup de bitcoins. Grayscale en a 622.000, MicroStrategy en a près de 200.000, etc.
Maintenant que les ETF Bitcoin sont là, que peut-on attendre de la suite de l’institutionnalisation ?
Il est possible que la narrative ETH Ethereum prenne le relais. Avec la validation des ETF Bitcoin, cela ouvre la voie à l’approbation de l’ether pour ce type de produit car des dossiers ont déjà été déposés dans ce sens et notamment par BlackRock.
Depuis quelques semaines, on commence à voir certaines whales (gros portefeuilles, ndlr) de Bitfinex (un exchange où se concentrent beaucoup d’investisseurs historiques) qui coupent leurs positions “long” sur Bitcoin pour basculer sur Ethereum.
Peut-on dire que le nouveau “bull run” des cryptos a commencé ?
J’ai beaucoup analysé les cycles précédents et même s’ils ne sont pas identiques, on trouve beaucoup de similitudes à chaque fois. En ce qui concerne le marché actuel, j’estime que le bull run a commencé en janvier 2023. Cela fait donc un an qu’on y est. Dans ce type de marché, on trouve trois phases.
La première s’est vraisemblablement terminée lorsque la résistance des 30 000 dollars a été franchie en octobre 2023. La deuxième dans laquelle on se trouve actuellement pourrait durer entre 200 et 300 jours avec pourquoi pas un top de marché autour des 50.000 dollars. J’imagine ensuite un retracement autour de 38.000 dollars avant de démarrer la phase trois, celle qui offre des performances paraboliques, dont on peut estimer le démarrage pendant l’été. Ce scénario se base sur des performances passées, mais il faut avoir conscience que ce cycle a l’air d’être plus rapide que les précédents.