The Big Whale : Starknet annonce son expansion vers Bitcoin. Pourquoi ce choix et pourquoi maintenant ?
Eli Ben-Sasson : Il y a deux aspects à cette question : pourquoi s’étendre et pourquoi maintenant. Depuis toujours, notre vision a été d’apporter notre technologie à toutes les blockchains nécessitant de la scalabilité. Dans l’ordre des priorités, Bitcoin aurait dû venir en premier. Cependant, jusqu’à récemment, nous n’avions même pas les bases techniques pour envisager une telle intégration. Nous avons donc commencé par Ethereum, qui, bien que plus petit en termes de capitalisation, offrait un environnement plus adapté pour déployer la technologie STARK.
Aujourd’hui, les choses évoluent. Nous approchons d’un point où il sera techniquement possible de vérifier des preuves STARK sur Bitcoin. Cela change la donne et nous pousse à nous préparer pour aider Bitcoin à évoluer, notamment en termes de scalabilité. L’objectif premier est d’améliorer le passage à l’échelle, mais à terme, cela pourrait aussi apporter davantage de confidentialité aux transactions sur Bitcoin.
Comment implémentez-vous techniquement les preuves STARK sur Bitcoin ?
Nous prévoyons trois grandes phases. Dans un premier temps, notre solution fonctionnera uniquement sur Starknet, avec un suivi des preuves via un système d’indexation, similaire à ce qui est fait avec les inscriptions et les runes sur Bitcoin. Cette première étape nous permet de poser les bases sans nécessiter de modifications immédiates du protocole Bitcoin.
Ensuite, nous collaborons avec plusieurs équipes pour utiliser BitVM, une technologie qui permet de vérifier des preuves sans nécessiter de soft fork sur Bitcoin. BitVM offre un niveau de sécurité plus élevé que de simples indexeurs grâce à un mécanisme de preuve de fraude en un seul tour. Enfin, si un soft fork comme OPCAT est adopté, permettant la vérification complète des preuves STARK sur Bitcoin, nous pourrons proposer une solution entièrement auto-hébergée et sécurisée, sans hypothèses de confiance supplémentaires.
Pourquoi avoir choisi BitVM et pas une autre approche ?
Lorsque je parle de BitVM, je fais référence à la technologie sous-jacente et non à un projet en particulier. Plusieurs équipes travaillent actuellement sur des méthodes de vérification et de preuve basées sur BitVM. L’avantage de cette approche est qu’elle permet d’amener des fonctionnalités avancées sur Bitcoin sans nécessiter de modification immédiate du protocole de base.
BitVM représente une opportunité unique pour nous d’intégrer Starknet à Bitcoin tout en garantissant un haut niveau de sécurité. C’est une avancée majeure qui pourrait ouvrir la voie à une adoption plus large de la scalabilité et de la confidentialité sur le réseau Bitcoin.
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“Xverse, un portefeuille Bitcoin populaire avec plus d’un million d’utilisateurs, intégrera Starknet” Quel sera l’impact sur l’expérience utilisateur, notamment pour les portefeuilles comme Argent ou Braavos ?
Les utilisateurs retrouveront les mêmes standards de sécurité et d’expérience utilisateur qu’avec Argent et Braavos. Ces portefeuilles combinent une expérience fluide inspirée du Web2 avec les garanties de sécurité du Web3. L’objectif est de leur permettre de gérer des transactions Bitcoin avec la même facilité qu’ils gèrent aujourd’hui des transactions sur Starknet.
En parallèle, Xverse, un portefeuille Bitcoin populaire avec plus d’un million d’utilisateurs, intégrera Starknet. Cette intégration illustre bien la convergence entre l’écosystème Bitcoin et Starknet, montrant que des solutions concrètes émergent rapidement. Ce type d’adoption est essentiel pour démontrer l’utilité de Starknet comme extension naturelle de Bitcoin.
Quel est le calendrier de lancement de Starknet sur Bitcoin ?
D’ici quelques semaines, Xverse sera connecté à Starknet, permettant aux utilisateurs de transférer des runes et d’exploiter des actifs Bitcoin sur notre réseau. Cela marquera le début de l’intégration, avec la possibilité de générer du rendement sur les Bitcoins déposés via différentes solutions DeFi.
À plus long terme, le staking du jeton STRK pourra inclure des actifs Bitcoin, contribuant ainsi à la sécurité du réseau. Ce processus s’inscrit dans le programme d’incitations BTC-Fi mis en place par la Starknet Foundation. Notre approche est progressive, en intégrant des fonctionnalités au fur et à mesure de leur maturité technologique et de leur adoption.
Pourquoi développer un Layer 2 pour Bitcoin alors qu’Ethereum est déjà un bon réseau de règlement ?
Bitcoin est un excellent actif de réserve de valeur, comme l’a récemment démontré l’intérêt du gouvernement américain et des institutions financières. Cependant, il reste un moyen d’échange peu efficace en raison de ses limitations en matière de scalabilité et de frais de transaction. Un Layer 2 peut améliorer ces aspects et faciliter les paiements en Bitcoin tout en garantissant une meilleure confidentialité.
L’objectif est également d’améliorer l’expressivité du réseau. Aujourd’hui, de nombreux usages comme le prêt, l’emprunt et la génération de rendement sont largement dominés par Ethereum. En introduisant ces fonctionnalités sur Bitcoin, nous permettons à son économie de se structurer davantage, tout en respectant ses principes fondamentaux.
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“Je pense que renforcer l’interopérabilité entre Bitcoin et Ethereum sera bénéfique pour les deux réseaux” Votre système peut-il améliorer la confidentialité des transactions Bitcoin ?
Oui, et c’est un aspect crucial du projet. Aujourd’hui, il est déjà possible de réaliser des paiements anonymisés sur Starknet. Ces mécanismes pourront être étendus aux transactions Bitcoin qui transitent par notre réseau, ce qui offrirait aux utilisateurs plus de discrétion dans leurs échanges.
Toutefois, notre priorité immédiate est la scalabilité et l’amélioration de l’expérience utilisateur. La confidentialité viendra progressivement avec le développement d’outils dédiés, qui seront intégrés au fur et à mesure des avancées technologiques.
N’êtes-vous pas inquiet que Starknet sur Bitcoin puisse concurrencer Ethereum et nuire à son adoption ?
Au contraire, je pense que renforcer l’interopérabilité entre Bitcoin et Ethereum sera bénéfique pour les deux réseaux. Aujourd’hui, Bitcoin et Ethereum sont largement cloisonnés, ce qui limite les synergies possibles entre ces deux écosystèmes majeurs.
En favorisant leur connexion, nous créons un environnement où Bitcoin peut bénéficier des avancées technologiques de Starknet, tandis qu’Ethereum peut accueillir de nouveaux flux d’utilisateurs et de capitaux en provenance de Bitcoin. Cette approche évite la fragmentation et favorise la croissance de l’ensemble de l’écosystème crypto.
Travaillez-vous avec des partenaires spécifiques comme Babylon ou Lombard ?
Nous discutons avec toutes les grandes équipes intéressées par la scalabilité de Bitcoin et l’extension de ses usages. Cela inclut les projets liés à BitVM, ainsi que les principales initiatives de liquid staking sur Bitcoin.
Nous annoncerons progressivement nos collaborations avec ces partenaires stratégiques. Notre objectif est de rassembler un écosystème solide, comprenant aussi bien des acteurs établis que de nouveaux entrants qui veulent explorer les opportunités offertes par Starknet sur Bitcoin.
“Sur Bitcoin, il n’existe pas de langage de smart contract dominant comme Solidity sur Ethereum” Votre Ethereum L2 a eu du mal à attirer les grands projets DeFi. Comment comptez-vous éviter cela cette fois-ci ?
L’un des défis majeurs de Starknet sur Ethereum était l’adoption de Cairo, notre langage de programmation natif. Les développeurs Ethereum étant habitués à Solidity et à l’EVM, cela représentait une barrière à l’entrée.
Sur Bitcoin, cette problématique ne se pose pas. Il n’existe pas de langage de smart contract dominant comme Solidity sur Ethereum. Cela devrait faciliter l’adoption par les équipes Bitcoin-native et rendre notre technologie plus accessible dès le départ.
Y aura-t-il un nouveau token Starknet dédié à Bitcoin ?
Non. Il n’y aura pas de nouveau token. Le token Starknet actuel restera le seul utilisé, et son rôle ne changera pas. Starknet reste ancré à Ethereum et s’étendra simplement à Bitcoin sans modifier son modèle économique ou son cadre d’utilisation.
Notre priorité est de garantir une continuité et d’éviter toute confusion ou spéculation inutile autour d’un potentiel nouveau jeton. Notre stratégie est claire : une seule technologie, un seul jeton, et une extension naturelle vers Bitcoin.
Quelle est votre approche concernant OPCAT et les futures évolutions de Bitcoin ?
Nous voulons sensibiliser la communauté aux avantages de la vérification des preuves STARK sur Bitcoin. OPCAT est l’un des moyens possibles pour y parvenir. Notre rôle est d’éduquer sur les bénéfices et les défis de ces évolutions, mais la décision finale appartient à la communauté Bitcoin.
Nous espérons que Bitcoin adoptera progressivement des soft forks qui amélioreront ses capacités, notamment en matière de scalabilité et d’expressivité. L’innovation ne doit pas s’arrêter, et nous voulons contribuer à cette discussion de manière constructive.
Pensez-vous que le secteur des L2 Ethereum devient trop encombré ?
Je ne suis pas inquiet à ce sujet, car le marché finira par trier naturellement les solutions les plus pertinentes. C’est un phénomène classique dans toute industrie émergente : au départ, de nombreuses initiatives se lancent, mais seules celles qui apportent une réelle valeur et trouvent leur public parviennent à s’imposer sur le long terme. Il en va de même pour les Layer 2 sur Ethereum.
C’est comme se demander s’il y a trop d’entreprises ou trop de startups. La concurrence pousse à l’innovation et à l’amélioration des technologies. Il est évident que tous les L2 existants aujourd’hui ne survivront pas, mais ce processus est sain. Les solutions qui répondent aux besoins réels des utilisateurs, qui apportent des améliorations techniques solides et qui bénéficient d’un écosystème actif continueront à prospérer.
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