Declan Fox : “Linea veut réconcilier les L2 avec Ethereum”

Declan Fox : “Linea veut réconcilier les L2 avec Ethereum”

Linea s’apprête à franchir un cap avec le lancement imminent de son token. Entre rendement natif en ETH, burn croisé ETH/LINEA et gouvernance pilotée par un consortium, son responsable Declan Fox détaille sa vision d’une L2 pensée pour Ethereum sur le long terme.

The Big Whale : Vous vous apprêtez à vivre un tournant majeur avec Linea avec le lancement du token. Comment vous sentez-vous à l’approche de ce moment ?

Declan Fox : Je suis évidemment très enthousiaste, ce lancement est un moment charnière pour Linea. Nous avons travaillé pendant plus d’un an pour affiner notre modèle, tester notre infrastructure et rassembler une communauté solide autour de notre vision. Ce que nous dévoilons va bien au-delà d’un simple airdrop ou d’un lancement de token. C’est une proposition de long terme pour l’écosystème Ethereum.

Nous avons voulu concevoir Linea comme un prolongement naturel de l’écosystème Ethereum, et pas simplement comme une L2 parmi d’autres. L’alignement avec Ethereum est notre boussole. C’est pour cela que nous avons mis en place une architecture qui bénéficie directement à la couche 1, notamment via un mécanisme de burn d’ETH, une tokenomic centrée sur la communauté, et une stratégie de yield sur les dépôts en ETH qui alimente l’activité DeFi sur la L2.

Justement, pouvez-vous nous expliquer en détail comment fonctionne ce rendement natif sur les dépôts en ETH bridgés sur Linea ?

Lorsqu’un utilisateur utilisera le bridge natif de Linea pour transférer de l’ETH vers notre réseau, ces fonds sont automatiquement mis en staking via Lido V3, qui sera notre partenaire de lancement. Lido V3 permet de déléguer des ETH à des validateurs institutionnels sans passer par des liquid staking tokens, ce qui limite fortement les risques de liquidité ou d’exposition à un token secondaire. C’est un modèle non custodial, qui mise sur la robustesse de l’infrastructure Ethereum.

Mais ce rendement ne sera pas distribué de manière passive. L’idée est de créer un cercle vertueux entre le staking, la DeFi et l’activité économique sur Linea. Le rendement généré est placé dans un fonds qui sera ensuite utilisé pour récompenser les utilisateurs qui mobilisent leur ETH sur la L2, que ce soit en fournissant de la liquidité sur Etherex (le nouveau DEX principal du réseau issu de la migration de Nile Exchange, ndlr), en déposant sur Aave ou via d’autres applications sélectionnées. C’est un choix assumé : seuls les utilisateurs actifs, qui participent à la croissance de l’écosystème, bénéficieront de ce rendement. C’est une manière d’inciter à une utilisation productive du capital on-chain.

Et si un utilisateur ne souhaite pas utiliser son ETH dans la DeFi ? Peut-il tout de même conserver son ETH sur Linea ?

Oui, bien sûr. Rien n’oblige un utilisateur à engager son capital dans la DeFi s’il ne le souhaite pas. Il peut très bien détenir de l’ETH sur Linea de manière passive. Mais dans ce cas, il ne percevra pas de rendement. C’est un fonctionnement qui reflète fidèlement les principes de l’écosystème Ethereum actuel, où seule une mise en activité du capital permet de générer du yield.

Par ailleurs, pour les utilisateurs qui souhaitent sortir rapidement de Linea, nous proposerons une option de retrait rapide en passant par les liquid staking tokens de Lido, ce qui permettra de contourner le délai classique du bridge. Cela donne plus de flexibilité sans compromettre la sécurité du protocole principal.

Vous avez évoqué le fait que seules certaines applications DeFi permettront de capter ce rendement. Quelles seront-elles ?

À ce stade, nous avons identifié quelques applications stratégiques, notamment Etherex, notre DEX natif, ainsi qu’Aave. Ces plateformes permettront aux utilisateurs de bénéficier d’un bonus issu du rendement généré en L1. Un comité, rattaché au consortium Linea, supervisera l’allocation de ces bonus. Cette gouvernance pourra évoluer dans le temps pour s’adapter à la dynamique du réseau et réorienter les flux vers les apps les plus porteuses en termes d’impact.

L’objectif est de favoriser une croissance saine et ciblée. Il ne s’agit pas de diluer ce rendement sur une multitude d’apps, mais de créer des effets de réseau puissants sur les piliers de l’écosystème. Cela nous permettra de mieux contrôler l’allocation du capital et d’accélérer l’émergence d’un véritable marché institutionnel sur Linea.

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“80 % des frais de transactions serviront à brûler du LINEA, les 20 % restants seront utilisés pour brûler du ETH”

Quel sera le rôle exact du token LINEA ?

Le token LINEA est au cœur de notre modèle économique. Il ne servira pas au paiement des transactions dans un premier temps, même si l’account abstraction permettra techniquement de le faire. Son utilité repose d’abord sur son lien direct avec l’activité du réseau. Concrètement, chaque transaction sur Linea génèrera des frais. 80 % de ces frais seront utilisés pour racheter et brûler du LINEA. Cela signifie que plus le réseau est utilisé, plus le token devient rare. Les 20 % restants serviront à brûler du ETH pour renforcer l’alignement avec la L1.

À long terme, d’autres cas d’usage pourraient émerger, comme le staking ou la gouvernance, mais ce sera une décision du consortium qui supervise le protocole. Nous avons voulu éviter le piège d’un token utilitaire artificiel. Le token LINEA doit être un proxy de l’activité économique réelle sur la chaîne, et non une simple monnaie de transaction.

Parlez-nous justement du consortium. Quelle est sa structure et qui en fait partie ?

Le consortium Linea est une entité de droit américain (Delaware) à but non lucratif, conçue pour piloter la gouvernance de manière structurée et efficace. Ses membres fondateurs sont Consensys, Sharplink, EigenLabs, ENS Labs et Status. Il s’agit de “stewards” de l’écosystème Ethereum, des entités reconnues pour leur engagement dans la décentralisation et l’innovation sur la L1.

Ce consortium remplace le modèle classique de DAO. Il y aura un conseil central chargé de piloter les grandes orientations, notamment l’allocation de la trésorerie, et des comités consultatifs en charge des opérations courantes, comme les subventions ou les partenariats. Ce modèle permet une gouvernance rigoureuse tout en gardant une certaine agilité, essentielle pour gérer un écosystème aussi complexe.

Il y a des rumeurs autour de la présence de l’Ethereum Foundation. Pourquoi celle-ci n’en fait-elle pas encore partie ?

L’Ethereum Foundation est évidemment un acteur central de l’écosystème. Nous espérons qu’elle nous rejoindra en tant que steward. Mais ces processus prennent du temps. Il faut construire une relation de confiance, aligner les objectifs, et parfois simplement attendre que les calendriers s’alignent. Le consortium est pensé pour accueillir de nouveaux membres progressivement, en fonction de leur engagement et de leur crédibilité dans l’écosystème Ethereum.

Certaines sources nous ont évoqué la présence future d’un géant du paiement. De qui s’agit-il ?

Je ne peux pas encore dévoiler son nom, mais nous avons entamé des discussions avec plusieurs institutions financières, banques et PSPs qui souhaitent se connecter à Ethereum. Linea joue ici un rôle clé, en tant que porte d’entrée institutionnelle. Notre compatibilité EVM, notre gouvernance claire et notre alignement avec Ethereum en font une L2 rassurante pour ces acteurs traditionnels.

Nous verrons probablement dans les mois qui viennent l’arrivée de ces grands noms sur Linea, que ce soit via des intégrations, des investissements ou des projets de paiement. Le pont entre la finance traditionnelle et Ethereum passe par Linea.

“Le lancement du token LINEA est imminent”

Si vous deviez vous comparer aux autres L2, quelle est la différence principale selon vous ?

La différence majeure, c’est que Linea est conçu comme la chaîne la plus efficiente pour le capital ETH. Là où d’autres L2 conçoivent leur modèle autour de leur propre token, nous avons construit Linea comme un prolongement direct d’Ethereum, avec un mécanisme de burn d’ETH et une tokenomique calquée sur celle du Genesis d’Ethereum : 15 % pour la “trésorerie centrale” (ici ConsenSys) et 85 % pour l’écosystème.

Nous sommes aussi fondés par Consensys, l’un des piliers historiques de l’écosystème Ethereum. Cela nous donne une légitimité et une responsabilité : faire en sorte qu’Ethereum réussisse. Linea n’est pas une tentative de captation de valeur au détriment de la L1. C’est une L2 qui joue collectif.

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Parlons de l’airdrop, pourquoi ne pas communiquer de date précise pour le TGE ?

Le processus de lancement d’un token est complexe, surtout avec un modèle aussi ambitieux que celui que nous avons conçu. De nombreux acteurs sont impliqués (qu’il s’agisse de partenaires techniques, de market makers, ou d’exchanges) et nous devons nous assurer que tout est parfaitement aligné avant d’annoncer une date définitive. Cela dit, le lancement est imminent. Nous mettrons d’abord en ligne l’airdrop checker, puis le TGE (Token Generation Event) suivra rapidement.

L’approche que nous avons choisie est prudente mais volontaire. L’idée est de faire les choses bien, une seule fois. On ne lance pas deux fois un token, et nous avons voulu que la structure que nous mettons en place puisse tenir sur dix ou vingt ans. C’est aussi pour cela que nous avons pris le temps de consulter toutes les parties prenantes, de collecter des retours, d’itérer sur le design. Le résultat, je crois, en vaut largement la peine.

L’airdrop distribuera 10 % de l’offre aux early adopters. Pourquoi ce chiffre ?

Ces 10 % sont réservés aux early users et aux builders de l’écosystème Linea. C’est un signal de reconnaissance pour celles et ceux qui ont soutenu le projet avant même qu’il n’ait de token. Ce pourcentage permet de remercier largement sans déséquilibrer la distribution. Il y a eu de nombreuses campagnes de farming ces deux dernières années, et nous avons voulu créer une équité entre les contributeurs, tout en envoyant un signal de sérieux : cet airdrop n’est pas une simple opération marketing.

Ce choix renvoie aussi à un précédent historique : lors du lancement d’Ethereum, 10 % de l’offre avait été réservée à la fondation. Dans notre cas, c’est 10 % pour la communauté, et 15 % pour ConsenSys (avec un lockup de cinq ans), ce qui est inédit dans l’univers des L2. Nous avons donc un alignement très fort sur le long terme.

“L’airdrop n’est qu’un catalyseur : si le produit est faible, la hype retombe aussitôt”

Quels enseignements avez-vous tirés des échecs d’airdrops précédents sur d’autres L2 ?

À nos yeux, le plus important reste de construire un produit solide. L’airdrop n’est qu’un catalyseur : si le produit est faible, la hype retombe aussitôt. En revanche, si vous proposez une infrastructure robuste, avec des features uniques, comme notre mécanisme de yield ou le double burn ETH/LINEA, l’airdrop devient un tremplin pour une dynamique durable.

Nous avons aussi voulu éviter les erreurs de gouvernance. Beaucoup de L2 ont opté pour des DAO très larges, difficiles à manœuvrer. Nous avons choisi un modèle plus resserré avec le consortium, pour garder de l’agilité et pouvoir réagir rapidement tout en garantissant une rigueur dans l’allocation des ressources.

>> Le business caché des airdrops : entre mirage et réalité

Vous arrivez parmi les derniers à lancer votre token. Est-ce un handicap ?

Au contraire. Nous avons pris le temps d’apprendre des autres. Beaucoup de L2 ont lancé leur token trop tôt, parfois dans la précipitation, sans modèle économique clair. Nous avons pu observer, itérer, corriger. Et aujourd’hui, nous lançons un réseau avec une architecture aboutie, une tokenomique solide, et une gouvernance adaptée.

Linea est conçu pour durer des décennies. Ce n’est pas une mode. C’est une infrastructure stratégique pour Ethereum. Et si d’autres veulent s’en inspirer, tant mieux. Nous espérons justement que notre approche devienne un standard, et qu’elle aide tout l’écosystème à évoluer vers plus de maturité.

Comment les 15 % alloués à Consensys seront-ils utilisés ?

Ces tokens seront soumis à un lockup de cinq ans. Ils sont non transférables pendant cette période. Cela signifie qu’ils ne peuvent être ni vendus, ni déplacés. Ils pourront éventuellement être utilisés comme collatéral dans certaines stratégies DeFi ou pour apporter de la liquidité, mais cela se fera de manière totalement transparente.

C’est un engagement fort de la part de Consensys. Ce n’est pas un simple airdrop opportuniste pour maximiser une valorisation. C’est une manière de montrer que nous sommes là pour accompagner Linea sur le long terme, et que notre objectif est de créer un réseau durablement utile pour Ethereum.

“Sharplink ? Linea est le lieu naturel pour qu’un tel capital devienne productif”

Comment cette stratégie est-elle perçue en interne chez Consensys, notamment parce que les salariés n’auront pas d’allocation ?

Chez Consensys, nous avons la chance de pouvoir aligner les incitations autrement : via l'equity. L'idée est simple : si Linea réussit, cela renforce Ethereum. Et si Ethereum se renforce, la valorisation de Consensys augmente. Ce mécanisme crée une boucle d'incitation saine et vertueuse.

Avec MetaMask, Infura et désormais Sharplink, nous avons une suite d’outils qui permettent de déployer des solutions robustes sur Linea. Et avec un modèle économique clair, une gouvernance crédible, et une tokenomic cohérente avec Ethereum, nous pensons que Linea peut devenir le réseau par défaut pour les acteurs qui cherchent la sécurité, la compatibilité EVM et la transparence.

Justement, vous évoquez Sharplink. Quel sera leur rôle sur Linea ?

Sharplink est un acteur stratégique pour nous, comme pour l’écosystème Ethereum dans son ensemble. Leur stratégie de trésorerie basée sur l’ETH est inédite, et Linea est le lieu naturel pour qu’un tel capital devienne productif. Grâce à notre pont natif qui génère du rendement, à notre mécanisme de burn, et à nos outils DeFi comme Etherex, Sharplink pourra optimiser son exposition tout en contribuant à la croissance du réseau.

Mais au-delà de Sharplink, c’est tout un pan de l’écosystème des Ethereum Treasury Companies qui pourrait se diriger vers Linea. Nous offrons une combinaison rare : rendement réel, sécurité institutionnelle et impact direct sur la valeur de l’ETH. Pour un acteur comme Sharplink, c’est une proposition difficile à ignorer.

>> Sharplink, le bras armé de Consensys et Linea

Etherex est présenté comme un pilier du projet. Que pouvez-vous nous dire sur ce DEX ?

Etherex est notre DEX natif, conçu pour devenir le hub de liquidité de Linea et de ConsenSys. Sur le plan technique, il repose sur un modèle X33, une évolution du V33 qu’on retrouve sur Aerodrome ou Velodrome. Ce modèle est plus capital efficient, plus simple à utiliser pour les LPs institutionnels, et permet une gestion passive des positions avec un bon rendement.

Etherex disposera de son propre token, le REX, avec une version stakée appelée xREX. L’objectif est d’atteindre rapidement plusieurs milliards de dollars en TVL et en volume de trading, en s’appuyant sur l’ensemble des flux de Consensys, mais aussi des partenaires extérieurs. C’est un DEX conçu pour le long terme, avec une gouvernance solide et des incitations alignées.

>> Lire l’analyse fondamentale de Linea

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