Cryptos : le guide ultime pour déclarer ses revenus en 2023
La campagne de déclaration de revenus démarre le jeudi 13 avril. Alexandre Lourimi, avocat fiscaliste pour le cabinet ORWL, spécialisé dans le droit des technologies de rupture, répond à toutes les questions.
En revanche, les échanges entre actifs numériques ne sont pas fiscalisés. Vous pouvez donc échanger du BTC contre de l’ETH sans générer d’imposition. 💡
En parallèle, l’obligation de déclarer les comptes bancaires et financiers à l’étranger (par exemple un compte en Suisse) a été étendue aux comptes d’actifs numériques. Vous devez donc déclarer chaque année les comptes ouverts auprès de plateforme détectant des actifs numériques pour votre compte à l’étranger.
En résumé, pour la saison déclarative 2023, vous allez devoir déposer une déclaration en lien avec vos crypto-monnaies :
👉 Si vous avez vendu des cryptomonnaies en 2022 (même si vous avez encaissé une moins-value)
👉 Ou si vous aviez, en 2022, un compte détenant des cryptomonnaies ouvert à l’étranger
Si vous avez réalisé des cessions d’actifs numériques en 2022 :
👉 Vous devrez dans un premier temps remplir une déclaration annexe spécifique n° 2086 : sur cette annexe, il conviendra de renseigner l’ensemble des cessions réalisées au cours de l’année 2022 et de préciser, pour chacune d’elle, la date de réalisation, le prix de cession ainsi que le prix d’acquisition et la valeur du portefeuille total d’actifs numériques à la date de la cession.
👉 Vous devrez dans un second temps reporter le montant de la plus-value ou de la moins-value globale de l’année sur la déclaration de revenu en case 3AN ou 3BN.
Si vous déteniez en 2022 un compte d’actifs numériques ouvert auprès d’un acteur étranger, vous devrez déclarer chacun de ces comptes sur la déclaration annexe 3916-bis en précisant notamment la date d’ouverture du compte et les coordonnées de la plateforme concernée.
Quelles sont les nouveautés de la déclaration 2023 ?
Pour cette année, il n'y a pas de changement de fond. 😏
Sur la forme, le formulaire de déclaration des comptes d'actifs numériques ouverts à l'étranger pourrait être simplifié afin de faciliter le travail des contribuables.
Jusqu’à présent, il fallait rechercher soi-même les coordonnées des plateformes étrangères, ce qui pouvait prendre un certain temps. Désormais, l’administration fiscale propose une pré-sélection de plateformes populaires que vous pourriez être susceptible d’utiliser.
Parmi les plateformes étrangères populaires à déclarer : Bitpanda, Cryptocom, Swissborg, (qui sont enregistrées auprès de l’AMF mais qui n’ont pas de filiale française), mais aussi Bybit, Coinbase ou Kraken, etc.
Celles que vous n’avez pas à déclarer car elles ont une structure opérationnelle en France : Binance, Coinhouse, Meria, Paymium, StackinSat, etc.
Pourquoi les plateformes étrangères sont-elles à déclarer ?
Les comptes d'actifs numériques ne doivent être déclarés que lorsqu'ils sont tenus par un opérateur étranger car l'administration fiscale à des pouvoirs juridiques beaucoup plus étendus pour accéder aux informations détenus par les opérateurs français.
Il lui est donc plus simple de contrôler la cohérence des déclarations en les corroborant avec des informations tierces lorsque ces informations sont détenues par des acteurs en France.
Est-ce que je dois aussi déclarer mes comptes si je passe par une néo-banque de type Revolut ?
Oui, outre les comptes d'actifs numériques, les comptes “bancaires” et les comptes “financiers” à l'étranger doivent également être déclarés.
D'ailleurs, les formulaires de déclaration des comptes bancaires/financiers (n° 3916) et des comptes d'actifs numériques (n° 3916-bis) ont été fusionnés en un formulaire n° 3916-3916-bis.
Quel traitement fiscal est-il réservé aux NFTs ?
D'un point de vue purement juridique, c'est une erreur de traiter les NFTs comme une catégorie homogène ❌. Cet outil technique permet de représenter une multitude de droits et d'offrir des usages très variés.
Parfois, ils ne sont qu'un outil d'amélioration technique de la preuve d'un droit.
Parfois, ils sont au fondement de la valeur d'un bien purement numérique. Si l'on veut faire les choses au mieux, il est donc nécessaire de s'interroger au cas par cas sur la qualification des NFTs que l'on possède afin de déterminer le régime fiscal applicable.
Si l'on veut faire au plus pratique, plusieurs tendances peuvent se dégager :
1/ Les NFTs qui ne sont que la preuve de propriété d'un bien physique ne devraient pas avoir de valeur fiscale en tant que telle : il faut alors s'interroger sur le régime fiscal du sous-jacent ;
2/ Les NFTs qui représentent un bien numérique peuvent :
👉 Soit entrer dans la définition des actifs numériques : auquel cas, on applique le régime des plus-values sur actifs numériques qu'on vient d'exposer ; pour les NFTs d'items de jeu par exemple, qui donnent lieu à des échanges fréquents et de valeur modeste, ce choix semble être le plus simple et le plus approprié ;
👉 Soit entrer dans la définition d'objet d'art ou de collection : ce cas est relativement rare et ne concerne que les NFTs présentant des caractéristiques très spécifiques ; dans ce cas, la fiscalité au moment de la cession est assez favorable (6,5 % du prix de cession ou 36,2 % de la plus-value) mais leur achat en cryptos génère de la fiscalité à l'entrée (si le NFT n'est pas un actif numérique, alors l'achat de ce NFT en actif numérique constitue une cession imposable des actifs numériques utilisés en paiement) ;
👉 Soit, à défaut, entrer dans la catégorie balai des biens meubles : auquel cas, on applique le régime des plus-values sur biens meubles (36,2 % sur la plus-value, exonération en cas de cession inférieure ou égale à 5000 euros, mais fiscalité à l'entrée également).
J’ai des tokens représentant des parts immobilières, comment faire ?
Comme pour les NFTs, les tokens représentatifs d'autres actifs, notamment immobiliers, doivent être qualifiés au cas par cas pour déterminer le régime fiscal applicable.
Généralement, les tokens immobiliers représentent des parts de sociétés détenant les actifs immobiliers.
Selon les qualifications, les revenus perçus peuvent donc être imposés soit en tant que dividendes ou en tant que revenus fonciers (plusieurs régimes d'imposition sont susceptibles de s'appliquer selon la situation du contribuable).
J’ai gagné des revenus de staking, comment dois-je les traiter dans ma déclaration ?
En principe, les revenus de staking et tous les revenus perçus en cryptos (lending, mining, etc.) doivent être déclarés, à hauteur de leur valeur en euros au moment de leur réception, au titre de l'année de réception. La catégorie d'imposition diffère selon la nature du revenu.
Pour certains revenus financiers, tels que les intérêts, la flat tax à 30 % devrait s'appliquer. Pour les autres, la catégorie balai des bénéfices non commerciaux devrait s'appliquer (barème progressif et prélèvements sociaux à 17,2%).
En cas de cession ultérieure des cryptos perçues, le régime des cessions d'actifs numériques trouverait à s'appliquer dans les conditions classiques.
En pratique, il peut être particulièrement complexe de suivre la valorisation en euros de tous ses gains en actifs numériques, surtout lorsque les récompenses sont débloquées très progressivement.
Comment le fisc peut-il s’apercevoir que je n’ai pas déclaré une plus-value ?
Les contrôles fiscaux interviennent généralement en cas de détection d'incohérences entre les informations dont dispose l'administration et les déclarations du contribuable. Tel peut par exemple être le cas si un contribuable omet de déclarer des cessions d'actifs numériques en euros d'un montant significatif.
Qu’est-ce que je risque en cas de non-déclaration ?
En cas de redressement, plusieurs pénalités sont susceptibles d'être appliquées. Ces pénalités s'appliquent sur le montant de l'impôt redressé :
- 10% en cas de simple omission ;
- 40% en cas de manquement considéré comme délibéré : c'est le cas lorsque l'administration estime que le contribuable ne pouvait notamment ignorer ses obligations fiscales ;
- 80 % en cas de manœuvres frauduleuses : c'est le cas lorsque le contribuable à mis en œuvre des actions visant à dissimuler son omission (structures à l'étranger, fausse déclaration, etc.).
Des intérêts de retard de 0,2% par mois de retard peuvent également être appliqués. Ces intérêts peuvent être diminués dans le cadre du droit à l'erreur.
Qu’est-ce que ferait de moi un investisseur “professionnel” et quelle est la fiscalité associée ?
Depuis peu, les critères de distinction des investisseurs particuliers et des traders professionnels ont été précisés 🧐.
Désormais, est considéré comme un trader professionnel l'investisseur qui exerce dans “des conditions analogues” à celles qui caractérisent une activité exercée par un professionnel.
Ainsi, il convient de tenir compte d'aspects non seulement quantitatifs (tels que la fréquence, le nombre et le montant des opérations) mais également et SURTOUT qualitatifs (sophistication de la méthode d'investissement, couverture des risques, accès à des informations privilégiées, compétences et formation de l'investisseur, etc.).
Un investisseur particulier requalifié en trader professionnel se verrait appliquer un régime d'imposition en tous points opposés à celui de la “flat tax” à 30%. D'abord, le résultat imposable serait calculé différemment.
Toutes les opérations seraient prises en compte pour le calcul du résultat imposable, y compris les échanges entre cryptos et y compris si aucune cession en monnaie légale n'a été effectuée. Ensuite, le résultat serait soumis non pas à un taux forfaitaire de 12,8% mais au barème progressif dont les taux sont compris entre 0 % et 45 % selon les montants. Enfin, ce résultat pourrait être soumis aux cotisations sociales.
Quels changements sont prévus pour la déclaration de l’an prochain ?
S'agissant des revenus réalisés à partir du 1er janvier 2023, qui devront être déclarés en 2024, deux modifications notables peuvent être relevées :
- Dès l'année prochaine, les investisseurs particuliers auront la possibilité d'opter pour le barème progressif de l'impôt sur le revenu en lieu et place de la flat tax (12,8 % d'impôt + 17,2 % de prélèvements sociaux) ; en pratique, ce choix permettra d'effectuer des économies d'impôt seulement pour les foyer soumis à un taux marginal d'imposition de 11% ou de 0 %.
- Les traders professionnels seront imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en lieu et place des bénéfices industriels et commerciaux.
Les cas particuliers 💡
J’ai des cryptos dans Celsius ou FTX, comment ajuster ma déclaration ?
Comme vous le savez, les plateformes Celsius et FTX sont engagées dans des procédures de faillite aux États-Unis. Si vous faites partie des victimes, deux choix s’offrent à vous : considérer ces cryptos comme perdues ou alors espérer que vous les récupérerez un jour.
“Lorsqu’on perd des cryptomonnaies sur une plateforme, suite à un piratage ou une fermeture, il convient de déduire leur valeur de son portefeuille de cryptomonnaies, pour les prochaines cessions”, explique Pierre Morizot, cofondateur de la start-up Waltio, qui fournit un assistant pour gérer sa déclaration fiscale.
“Dans le cas de FTX, il y a une chance que les utilisateurs puissent récupérer tous leur fonds ou au moins une partie à l’issue de la procédure judiciaire”.
👉 Que faire alors ?
“Nous suggérons de considérer ces cryptos comme perdues, et donc de les sortir du portefeuille. Conservez bien les justificatifs, dans le cas où tout ou partie des fonds seraient recouvrés. Dans cette hypothèse, il faudra réajuster le montant global du portefeuille avec la réintégration des fonds”, insiste-t-il.
“D’un point de vue juridique, le fait que FTX soit en redressement ne permet pas de déduire une perte des cryptos, mais d’un point de vue économique il y a de fortes chances que les utilisateurs enregistrent des pertes”, poursuit de son côté Alexandre Lourimi du cabinet ORWL.
“L’arbitrage doit être fait en fonction de la situation du contribuable et la proportion des actifs qui se trouvent sur les plateformes par rapport au portefeuille global”, indique-t-il.
En clair, si cela concerne une très grosse partie de votre patrimoine crypto, il vaut mieux ne pas les déclarer comme “perdues” avant de savoir combien vous pourrez récupérer. L’administration fiscale pourrait y voir un moyen d’échapper à l’impôt…
J’ai reçu des cryptos dans le cadre d’un airdrop, comment les déclarer ?
Si vous êtes un utilisateur avancé, vous avez probablement fait la chasse aux airdrops l’an dernier, c’est-à-dire que vous avez reçu gratuitement des cryptos de la part d’un projet.
👉 Comment les déclarer ?
“Le sujet est complexe, car il ne s’agit pas d’un véritable intérêt dans le sens du droit”, note Pierre Morizot.
“Nous préconisons une absence d’imposition si le gain n’était pas anticipé, comme dans le cas d’un airdrop surprise, mais cela est imposé dans le cadre du régime des bénéfices non commerciaux si l’airdrop a été versé en contrepartie d’une action (utilisation d’un protocole, inscription, etc.)”.
Pierre Morizot souligne qu’il n’y a pas de jurisprudence sur le sujet. Il rappelle également qu’étant donné qu’il y a souvent des actions à mener pour bénéficier d’un airdrop, alors l’imposition semble être le régime par défaut.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.