TBW #66 : Parlez-nous de produits !
Retrouvez toutes les informations de la 66ème newsletter Premium de The Big Whale.
Bonjour les Whales et bienvenue aux petits nouveaux qui viennent de nous rejoindre dans l’édition Smart ! 😎
Parlez-nous de produits !
Le Web3 est un écosystème passionnant, mais il a un vrai problème. Que ce soit lors d’événements, d’interviews ou même à l’occasion d’une simple conversation, tout le monde ne parle que d’infrastructures.
Évidemment, les infrastructures, c’est-à-dire les blockchains et autres protocoles (nous en parlons plus bas avec les layers 2), sont essentiels au développement et à la viabilité du Web3. Mais à ne parler que de ça, nous perdons collectivement de vue quelque chose d’autre, qui est aussi essentielle : les projets, les produits et donc les utilisateurs.💡
Pour comprendre le problème, il suffit de penser au Web2 que beaucoup critiquent dans le Web3 (souvent à juste titre). Quelle est la force du Web2 et de ses acteurs ? Ils ne parlent pas d’infrastructures, mais des produits et de leurs usages.
Avez-vous déjà entendu un responsable d’Uber parler de la technologie derrière l’application qui permet de réserver un chauffeur en 2 clics ? Jamais. Et pour cause, le géant américain, et c’est valable pour beaucoup d’autres entreprises, est focalisé sur l'essentiel, c'est-à-dire les utilisateurs. ✅
Certains diront que le Web3 est un nouvel Internet et qu’il faut donc construire une nouvelle infrastructure, ce qui prend du temps, et ils ont raison. Doit-on pour autant ne se préoccuper que de cela ? Surtout pas. Il est parfaitement possible de construire, en même temps, les routes et les voitures qui rouleront dessus. Ce serait même une erreur de ne pas le faire.
The Big News_
👉 Meria lève plus d’un million d’euros
Owen Simonin n’est pas seulement le youtubeur crypto francophone le plus connu (sous le nom de "Hasheur"), c’est aussi un business angel et un entrepreneur à succès. Selon nos informations, sa société, Meria, vient de lever un peu plus d’un million d’euros auprès de plusieurs investisseurs.
Meria, qui s’appelait encore Just Mining il y a un peu moins d’un an, a été créée en 2017 et offre plusieurs types de services : de la gestion de crypto-actifs et des offres de staking sur différents protocoles. Basé à Metz dans l’est de la France, Meria n’avait jusque-là jamais levé d’argent et fonctionnait uniquement sur fonds propres 🏦.
Selon nos informations, la valorisation de la société est de plusieurs dizaines de millions d’euros. Avec ces fonds, issus essentiellement d’investisseurs privés, Owen Simonin veut continuer de recruter.
Meria compte à ce jour une quarantaine de salariés. L’objectif est également de se développer davantage à l’international, alors que 100% des effectifs de la société sont aujourd’hui en France.
The Big Report_
Ethereum : la guerre des L2 peut commencer
Après des années de développement, il existe désormais près d’une dizaine de protocoles de couche secondaire sur Ethereum, et chacun veut s’imposer comme le L2 de référence. Qui a les meilleures armes ? Nous avons mené l’enquête. 🔍
Huit ans après son lancement, il n’y a plus de place pour le doute : Ethereum s’est véritablement imposée comme la blockchain de référence pour le déploiement des contrats intelligents (smart contracts) et des applications décentralisées (dApps).
Là où en revanche rien n’est joué, c’est au niveau des blockchains de seconde couche que l’on appelle “layers 2”, en opposition aux layers 1 comme Ethereum.
Les layers 2 sont apparus progressivement pour résoudre les problèmes de développement d’Ethereum. Lors des pics d’activité, le layer 1 n’est pas capable de gérer tout le trafic de transactions, ce qui congestionne le réseau, fait exploser les frais de transaction et les délais de confirmation d’une opération. Bref, Ethereum ne fonctionne pas très bien pour passer à l’échelle ! 😔
Son co-créateur, Vitalik Buterin, avait déjà évoqué à plusieurs reprises cette problématique qu’il résume par le “trilemme des blockchains”.
Selon lui, un protocole ne peut pas être à la fois :
- “scalable”, c’est-à-dire capable de passer à l’échelle
- “sécurisé”
- “décentralisé”
Il faut toujours que l’un de ces trois éléments soit sacrifié au profit des deux autres. Dans le cas d’Ethereum, c’est la “scalabilité” qui, sans mauvais jeu de mots, a fait les frais du coup de billard.
La contrepartie de ce choix, c’est que la blockchain Ethereum est donc condamnée, au moins à moyen terme, à être plutôt lente et coûteuse. C’est précisément pour résoudre ce problème qu’une myriade de protocoles de seconde couche, nos fameux "layers 2", ont été créés.
Leur objectif est de rendre Ethereum plus rapide et moins cher. 🚀
Un layer 2 est une couche supplémentaire qui fonctionne en parallèle de la blockchain principale, Ethereum. Ces solutions permettent d’effectuer une partie du traitement des opérations (transactions, exécutions des smart contract, etc.) hors de cette dernière, réduisant ainsi la charge sur le réseau principal et les frais associés.
Polygon a attiré les grandes marques jusqu’à présent
Il existe différents L2, notamment les sidechains (chaînes secondaires) et les rollups. Les sidechains sont des blockchains indépendantes qui s'appuient sur Ethereum et transfèrent une partie des transactions vers cette blockchain secondaire.
Le principal défaut de ces sidechains, c’est qu’elles doivent assurer elles-mêmes leur sécurité. 🥵
Dans cette catégorie, Polygon PoS est le projet le plus populaire, notamment auprès des marques. En moins de trois ans, la sidechain a attiré plusieurs grandes entreprises traditionnelles comme Reddit, Meta, Starbucks ou Nike pour des projets de NFTs. Il y en a des dizaines d’autres.
“Polygon est particulièrement efficace sur la partie business”, confirme Stanislas Barthélémi, expert crypto pour le cabinet KPMG. “Ils ont toutefois perdu en traction ces derniers mois au profit de technologies plus récentes et innovantes comme les rollups”.
Rollups ?
Comme pour les sidechains, les rollups permettent de gérer un grand nombre de transactions en les réunissant dans une seule et même transaction sur la blockchain principale Ethereum. Mais à la différence des sidechains, les rollups s’appuient sur la sécurité d’Ethereum et ne doivent donc pas la gérer elle-même. 😍
Cette différence est un atout majeur, car Ethereum est l’un des protocoles les plus sécurisés du secteur. Utiliser sa sécurité, c’est s’assurer une très forte résilience.
Il existe des dizaines de rollups sur le marché, et des nouveaux arrivent très régulièrement. Cette semaine, le géant américain ConsenSys, l’entreprise dirigée par l’un des co-créateurs d’Ethereum, Joe Lubin, a lancé son propre rollup : Linea. Tous les détails sur le projet sont ici.
Il y a également Base, qui est développé par la plateforme d’échange Coinbase. D’autres devraient suivre. 📅
Plus globalement, il existe deux grandes familles de rollups : les “optimistic rollups” et les “ZK rollups”.
(Valeur immobilisée dans les différents L2 depuis 2019 - L2Beat)
Optimistic rollups vs ZK rollups
La différence entre ces deux types de protocole est assez simple. Les optimistic rollups, comme leur nom l’indique, sont “optimistes”, c’est-à-dire que toutes les transactions sont présumées correctes et donc intégrées dans Ethereum.
Pour que le système soit viable et que les “mauvaises” transactions ne soient pas traitées, il existe un mécanisme qui permet de contester les transactions. Ce dispositif est ouvert pendant un délai de quelques jours. ⏳
Le gros point fort des optimistic rollups, c’est qu’ils sont très pratiques. Ils ont la même machine virtuelle qu’Ethereum : les développeurs Web3 peuvent donc très facilement lancer des projets dessus.
Le point faible, parce qu’aucun projet n’est parfait, c’est justement ce délai de contestation, car il faut attendre qu’il se soit écoulé pour que les transactions soient officiellement intégrées dans Ethereum. “Ce n’est pas très confortable lorsqu’on souhaite retirer rapidement ses fonds”, confirme Jérôme de Tychey, président d’Ethereum France, qui organise l’Ethereum Community Conference (EthCC) la semaine prochaine à Paris. 🇫🇷
L’EthCC est l’une des plus grandes conférences mondiales de l’écosystème Ethereum. De nombreux événements sont justement prévus autour des L2.
Les projets d’optimistic rollups les plus connus sont Arbitrum et Optimism, qui représentent respectivement 65% et 22% de l’activité totale des L2, selon les données de L2Beat. Ce succès s'explique surtout par l'antériorité de ces projets, qui ont été lancés sur le marché en 2021.
Reste que les “optimistics rollups” ne sont pas à l’abri de la concurrence, qui vient justement de la seconde famille des rollups : les “ZK rollups”.
La particularité des ZK rollups, c’est qu’ils permettent de valider des transactions sans révéler d'informations confidentielles (Zero Knowledge Proofs, soit des preuves à divulgation nulles). Comment ? Grâce à des techniques cryptographiques.
Le (très) gros avantage de ce système, c’est que les ZK rollups fonctionnent sans le système de délai de contestation. C’est quasiment instantané. ⚡
Beaucoup plus récents, les ZK rollups n’ont pas encore la même traction que les optimistics rollups. Le plus connu des ZK rollups est zkSync (Era). L’autre qui émerge est Polygon zkEVM (la proposition rollup de Polygon).
“La difficulté des ZK rollups est d’avoir un outil utilisant le Zero Knowledge Proofs qui soit compatible avec Ethereum”, explique Jérôme de Tychey. “Ce système est probablement le plus intéressant et le plus innovant, mais son développement est très complexe et coûte cher”, estime-t-il.
Pour pallier ce problème, des projets comme StarkNet ou Loopring ont choisi des approches un peu plus pragmatiques. Dans le cas de StarkNet, cela consiste à utiliser des Zero Knowledge Proofs avec d’autres machines que celle d’Ethereum. La conséquence, c’est que le développement des projets est un peu plus compliqué pour les développeurs 😅.
(La part de marché des différents projets L2 - L2Beat)
Émulation entre les différents projets
Paradoxalement, la guerre des L2 bénéficie à tout l’écosystème. “Les solutions se complètent assez bien entre elles”, remarque Jérôme de Tychey.
Les projets travaillent pour réaliser un objectif commun. C’est un peu comme avec les vaccins : il y a plusieurs approches, mais le but collectif est d’arriver à trouver une solution contre un virus”, souligne celui qui est aussi le fondateur du studio de gaming Web3 Cometh.
Ce constat est partagé par Stanislas Barthélémi de KPMG : “L'opposition frontale entre les optimistic et les ZK rollups a perdu de sa pertinence. Nous voyons de plus en plus de projets qui empruntent aux deux univers”. 🤝
De ce point de vue-là, les discussions au sein de la communauté d’Optimism sont un excellent révélateur : certains plaident ainsi pour que l’optimistic rollup intègre les Zero Knowledge Proofs.
Certains projets comme Linea plaident même pour la convergence des solutions au motif que leur similarité permettra plus facilement aux développeurs de passer de l’une à l’autre. “Moins il y aura de différences fondamentales entre les L2, plus l’écosystème se développera de manière décentralisée”, souligne, Nicolas Liochon, en charge de la recherche et du développement chez ConsenSys et Linea.
“Je pense néanmoins que nous serons probablement 30% plus rapides que les autres”, souffle-t-il, mettant en lumière l’incontournable course aux chiffres dans laquelle chaque projet est engagé. ⚔
Bataille de communication
Car si certains la jouent “collectif”, la réalité est que chaque projet - Linea n’est pas seul - veut afficher les meilleures performances.
Starkware, la start-up israélienne qui développe le réseau StarkNet, a ainsi présenté la semaine dernière sa nouvelle mise à jour “Quantum Leap” qui serait - potentiellement - capable de traiter “plusieurs centaines de transactions par seconde”.
Selon des données récemment relevées sur son réseau de test, cette nouvelle itération de StarkNet a été capable de gérer 90 transactions par seconde. Une prouesse, quand on sait que les concurrents dépassent rarement la dizaine de transactions par seconde - en condition réelle. 😲
Le bond de “Quantum Leap” est une excellente nouvelle pour le secteur et montre sa capacité à innover. Certains s’interrogent toutefois sur l’intérêt d’une telle compétition sur ce genre de performances.
“La facilité de développement et l'interopérabilité sont des arguments certainement plus importants”, souligne auprès de The Big Whale le co-créateur de d’Ethereum Joe Lubin (on vous réserve une grande interview la semaine prochaine 🔥).
Beaucoup reprochent à StarkNet d’avoir opté pour son propre langage de programmation Cairo (qui se distingue de celui d’Ethereum, Solidity, ndlr), réputé assez difficile à prendre en main.
“Nous donnons accès à toutes les fonctionnalités les plus importantes pour que la crypto parvienne à l’adoption de masse”, rétorque Louis Guthmann, en charge du développement de l’écosystème de StarkWare.
Une bataille des chiffres est donc bel et bien en cours, même si celle-ci n’a que peu de sens en raison d’une demande relative.
Cette rivalité à coup de communiqués de presse rappelle immanquablement l’heure des lancements des "Ethereum Killers" comme Solana ou Elrond, misant allègrement sur les performances - surtout théoriques - de leurs réseaux.
“Même si StarkNet est une proposition vraiment intéressante, ce n’est que lorsqu’il y aura des utilisateurs à grande échelle que l’on pourra réellement mesurer ses performances”, juge Stanislas Barthélémi. 💡
Avant StarkNet, la start-up Starkware (valorisée 8 milliards de dollars) s’était notamment fait connaître en développant une solution permettant au géant des NFTs, Sorare, de proposer des frais de transactions quasi-inexistants sur son jeu de fantasy football.
Ce produit, baptisé StarkEx et décliné en fonction des besoins des projets, a récemment franchi le seuil des 1000 milliards de dollars de transactions. StarkNet en est son émanation “open source”.
La question des tokens des projets
En plus des performances théoriques communiquées, l’autre donnée dont il faut se méfier pour mesurer l’attractivité d’un L2 est la présence d’un token de gouvernance.
Certains projets en ont d’ores et déjà émis un, à l’instar d’Arbitrum et d’Optimism. L’effet a été assez immédiat avec un afflux d’utilisateurs, ravis de pouvoir gagner de l’argent assez facilement. Avec leurs tokens, les protocoles arrosent les premiers utilisateurs afin de stimuler l’activité sur leur réseau. 🤑
“Ce genre de stratégie peut s’avérer efficace au début, mais le problème, c’est que vous attirez aussi beaucoup de gens qui ne sont là que pour récupérer des tokens et qui quitteront l’aventure dès que le robinet se fermera”, prévient Stanislas Barthélémi.
“Seule la croissance organique, c'est-à-dire celle qui concerne les utilisateurs qui viennent en raison de la qualité de la technologie proposée, assure la viabilité d’un protocole”, assure-t-il.
Parmi les projets qui n’ont pas encore émis de tokens, il y a notamment zkSync et StarkNet. Ces derniers ne devraient toutefois pas tarder à se lancer.
🔴 Selon nos informations, celui de StarkNet devrait arriver avant la fin de l’année 2023. Du côté de Linea, le dernier venu, le sujet est encore loin d’être tranché.
Ses concepteurs estiment que cela n’aurait pas beaucoup d’intérêt d’avoir un token de gouvernance. Et pour cause : il n’y a pour le moment qu’un seul opérateur sur le réseau, et celui-ci est géré par… ConsenSys. “Lorsque nous serons suffisamment décentralisés, avec plusieurs séquenceurs, alors nous pourrons éventuellement y penser”, estime Nicolas Liochon.
Cette stratégie est proche de celle de Base, le L2 développé par la plateforme d’échange américaine Coinbase. Celui-ci est conçu à partir de la technologie développée par Optimism.
“Un réseau qui n’est pas décentralisé n’a aucune raison d’émettre un token de gouvernance, martèle Nicolas Liochon. Cela sert uniquement à enrichir les porteurs de projets à court terme, mais ce type de stratégie se révèle catastrophique à long terme”.
Y a-t-il au moins un projet de L2 assez décentralisé à ce jour ? 🤔
“Pour l’instant, aucun L2 ne l’est réellement, car il y a encore beaucoup de recherche et de développement à réaliser avant d’envisager une décentralisation de la gouvernance”, indique Stanislas Barthélémi. “Au final, il y a plus de chances que les projets les plus prudents sur la gouvernance soient les mieux placés pour déployer leurs solutions”, conclut-il.
The Big Focus_
MiCA : un casse-tête pour le régulateur européen
Si le règlement européen sur les crypto-actifs a été définitivement adopté, sa future application donne déjà quelques sueurs froides à l’autorité européenne des marchés financiers. L’Esma va en effet devoir réussir à mettre d’accord tous les régulateurs nationaux sur l’interprétation du texte. Il y en a 27 !
La suite est disponible sur le site de The Big Whale. 🐳
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.