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Plateformes crypto : Y a-t-il de la place pour tout le monde en Europe ?

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Plateformes crypto : Y a-t-il de la place pour tout le monde en Europe ?

Plateformes crypto : Y a-t-il de la place pour tout le monde en Europe ?Plateformes crypto : Y a-t-il de la place pour tout le monde en Europe ?

En quelques années, le nombre d’applications et d’Exchanges crypto a explosé en Europe. Si certains d’entre eux vont réussir à se développer, tous ne survivront pas notamment à cause du manque de maturité du marché. En coulisses, les manoeuvres ont déjà commencé pour des rachats.

S’il y a bien un domaine crypto dans lequel l’Europe ne manque pas de représentants, c’est bien celui des plateformes. Rien qu’en France, qui détient le record continental, on en compte une bonne cinquantaine, dont près de 30 enregistrées auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). “C’est beaucoup trop par rapport à la taille du marché”, souffle un entrepreneur du secteur.

Confrontées à la baisse des cours depuis plus d’un an, la plupart des plateformes européennes, et notamment en France, ont enregistré une importante chute de leur activité 📉. Elles comptent leurs sous (enfin ce qu’il en reste) et certaines envisagent le pire, alors que pour la plupart elles n'ont même pas trois ans d'existence.

“Beaucoup d'applications vont finir au tapis, ce n’est qu’une question de temps”, anticipe Réda Berrehili (*), le patron de Klub, une plateforme privée d’investissement. “La plupart ont conçu leur modèle économique lors du bull market de 2020-2021 avec des revenus conditionnés à du volume. Lorsque le marché se retourne, il n’y a plus volumes, et donc pas de revenus”, juge-t-il.

L’autre grand problème, c’est que beaucoup de ces start-up européennes se ressemblent 😅.

Elles proposent peu ou prou le même service : de l’achat et de la vente de cryptos, et pas beaucoup plus. Parfois elles offrent aussi des solutions de rendement (staking ou lending), mais la différenciation n’est pas suffisamment importante.

“Nous avons tous nos petites différences, mais nous visons souvent les mêmes clients, et il y a un embouteillage d’offres”, concède François-Julien Alcaraz, cofondateur de l’application d’investissement CryptoSimple.

La start-up tricolore a récemment annoncé une levée de fonds d’un million d’euros, mais plusieurs experts du secteur n’hésitent pas à évoquer une situation financière “fragile”. François-Julien Alcaraz admet que la situation n’est pas facile, mais estime qu’il n’est pas le seul dans ce cas. “80% des entreprises sont actuellement en difficulté”, déclare le patron de la start-up marseillaise.

Les prochains mois seront clé pour CryptoSimple, qui réfléchit à viser une clientèle plus professionnelle.

Parmi les entreprises en difficulté, les noms de Mon Livret C et Yuzu reviennent aussi régulièrement dans la bouche des bons investisseurs.

Le premier a été contraint de faire pivoter son activité pour devenir un intermédiaire pour des distributeurs (FinTech, gestionnaires de patrimoine, etc.) alors qu’il visait initialement les particuliers. “La question de notre survie a un temps été sur la table, mais nous allons mieux depuis que nous avons fait évoluer notre positionnement”, indique son directeur général Mathieu Charret.

Mon Livret C compte actuellement moins de 100 clients, certes “très fortunés”, mais l’entreprise lancée en juin 2022 n’est pas encore rentable.

Du côté de Yuzu, lancé en octobre 2022 et qui compte moins de 1000 utilisateurs particuliers, tout repose sur les épaules de son fondateur Clément Coeurdeuil.

L’équipe initiale est déjà passée de 10 à 5 personnes, un associé est parti et l’application entend désormais proposer des conseils pour “investir au bon moment”. Avec quelle visibilité sur les prochains mois ? “Cela dépend de moi, j’ai assez de fonds personnels pour alimenter l’entreprise jusqu’à fin 2024”, assure Clément Coeurdeuil.

Ces start-up souffrent notamment de leur lancement en pleine période de baisse des marchés. Reste que les nouveaux venus ne sont pas les seuls à tirer la langue 😰.

“De nombreuses sociétés sont sur la sellette”, souffle un avocat qui a eu accès aux comptes de certaines d’entre elles. “Beaucoup donnent publiquement l’impression d’aller bien, alors que ce n’est pas du tout le cas. Plusieurs PSAN français qui ont des fonds bloqués dans FTX et dans d’autres sociétés n’ont toujours pas informé leurs clients”, lâche-t-il.

Est-ce que de nombreux PSAN seraient dans l’incapacité de répondre à la demande de leurs clients si ceux-ci voulaient retirer tous leurs fonds ? “Assurément”, précise cette source.

Bitstack et Swissborg, l’oasis au milieu du désert

Au milieu du désert, plusieurs acteurs comme Bitstack 🇫🇷 semblent toutefois se détacher.

La start-up, qui a adopté un positionnement 100% Bitcoin, permet d’investir dans le bitcoin via des achats programmés récurrents ou en arrondissant à l’euro supérieur tous les mouvements qui passent par le compte bancaire des clients.

Bitstack, qui s’occupe de la conservation des bitcoins, revendique une croissance mensuelle de ses utilisateurs de 20% depuis trois mois. Elle compte 30.000 clients après une petite année d’existence. “Selon les bruits de marché que j’ai, je crois que nous sommes les seuls à avoir autant de traction”, témoigne son cofondateur Alexandre Roubaud.

“Globalement, toutes les entreprises qui se sont lancées lors des trois dernières années et dont l’offre n’a pas encore rencontré leur public ont de fortes chances de disparaître, à moins d’avoir le cash pour tenir, mais c’est très compliqué de lever des fonds en ce moment”, précise-t-il.

À part lorsqu’on dispose d’une forte notoriété ou que l’on peut présenter une activité rayonnante aux investisseurs… Bitstack vient justement d’annoncer une levée de fonds de 2 millions d’euros dans laquelle a participé le prestigieux accélérateur de start-up californien Y Combinator 😎.

“Les investisseurs apprécient ce type de business car cela permet d’assurer une certaine prévisibilité des revenus, alors qu’un courtier traditionnel s’expose à une chute brutale de son activité lors d’un retournement de marché”, analyse Julien Henrot-Dias, CEO de la plateforme Deskoin (12.000 clients et aussi en pointe sur l’achat récurrent de cryptos).

Son concurrent StackinSat, également positionné sur le 100% Bitcoin, mais réservé à une clientèle plus experte (et donc plus réduite aussi), peine un peu de son côté à lever de l’argent. Elle chercherait entre 5 et 10 millions d’euros et devrait se tourner vers sa communauté d’utilisateurs en raison de la frilosité des fonds de capital-risque.

StackinSat espère ainsi reproduire le succès de Swissborg qui a récolté 23 millions de dollars début avril auprès de 16.660 personnes (en échange de 9,53% de son capital).

“Cette opération est une réussite et beaucoup aimeraient s’en inspirer, mais tout le monde ne s’appelle pas Swissborg et ne peut s’appuyer sur une communauté aussi forte”, indique un bon connaisseur du secteur. Cette dernière déclare avoir 720.000 utilisateurs, dont 400.000 avec des euros ou des cryptos sur leur compte.

“Le marché est titanesque, nous avons une croissance linéaire, donc je suis très confiant dans l'avenir”, assure Jonathan Herscovici, cofondateur de StackinSat.

Les gros serrent les dents et se reposent sur leur expérience

Du côté des “gros” acteurs, la situation n’est pas beaucoup plus simple. Mais les structures comme Coinhouse sont bien capitalisées. Cette dernière a levé 40 millions d’euros au printemps 2022. Cela lui a permis d’absorber le choc FTX-Genesis, en dépit du gel de près de 15 millions de dollars de ses actifs dans ces structures.

“Même si je ne le souhaite pas, je pense que beaucoup de start-up disparaîtront et qu’il ne restera qu’une poignée d’acteurs à la fin”, indique son CEO Nicolas Louvet (lire son interview publiée en début d'année).

Dont Coinhouse ? “Notre ancienneté (2014, ndlr) et notre lien historique avec Ledger nous offrent une forte notoriété à laquelle il faut ajouter le sérieux de notre travail”, juge-t-il.

“La clé de notre succès, c’est aussi l’accompagnement personnalisé de nos clients particuliers et entreprises. Il est très rare de proposer des conseillers (disponibles au téléphone, ndlr) dans le secteur des cryptos”, insiste le patron français.

Selon nos informations, Coinhouse, qui compte un peu plus de 100 salariés, a néanmoins allégé sa masse salariale ces derniers mois en se séparant de plusieurs collaborateurs.

Pour le patron d’une start-up en difficulté, “tout le monde a réduit la taille des équipes, la conjoncture économique est très mauvaise, il s’agit maintenant de survivre en espérant que les beaux jours reviennent”.

Tous les yeux sont ainsi rivés vers l’hypothétique reprise du Bull Market que certains espèrent pour la fin de l’année 2023, soit quelques mois avant le “halving”, un événement qui se produit tous les quatre ans et lors duquel l’émission monétaire du bitcoin est divisée par deux, contribuant à la raréfaction de l’offre et donc à la hausse des prix 💡.

Sauf qu’il n’y a aucune assurance que le scénario va se reproduire… “Il est insensé de miser seulement sur le Bull Market pour qu’une start-up fonctionne”, persifle un consultant. “Cela montre que certains entrepreneurs cryptos se sont lancés avec une méconnaissance totale du marché”, insiste-t-il.

À ce compte-là, l’expérience peut aider. Paymium, autre grand acteur historique (2011), assure être en bonne position pour survivre à cet “hiver de la crypto”.

“Nous avons déjà traversé plusieurs crises et effondrements des marchés, ce n’est pas nouveau pour nous”, rembobine son CEO Pierre Noizat (lire son interview). “Nous sommes prêts à encaisser ce genre de choc. Alors que la plupart des entreprises du secteur ont été impactées et ont réduit leurs effectifs, nous avons continué à investir”, insiste-t-il.

Le double effet Kiss Cool de la “crypto nation”

En plus des conditions de marché, certains acteurs pointent les conséquences indirectes de la régulation crypto avant-gardiste de la France pour expliquer leurs maux.

Son cadre réglementaire (l’un des premiers dans le monde) a engendré la création de très nombreuses entreprises, plus que n’importe où ailleurs en Europe, ce qui a créé un embouteillage local. Sans compter que les gros acteurs internationaux, comme Binance ou Cryptocom, ont également choisi la France pour s’implanter sur le continent. "L'écosystème français est ultra structuré et probablement celui avec le plus d'expérience en Europe", explique Ambroise Helaine, en charge de l'application italienne Young Platform.

Résultat, la concurrence y est particulièrement intense. Trois solutions s’offrent alors aux start-up en difficulté : trouver des nouveaux financements (sauf que le capital-risque est à l’arrêt), pivoter en changeant de modèle ou… envisager un rachat.

Une banque et Kraken très intéressés par un PSAN

“Aujourd’hui il y a beaucoup d’applications et de plateformes qui développent leur tech et espèrent bien se revendre grâce à leurs licences et à leur PSAN”, indique Édouard Daunizeau, CEO de SavingBlocks, un robot advisor crypto basé à Londres. “L’une des fortes probabilités, c’est que des acteurs de taille moyenne rachètent des entreprises plus petites à l’agonie”, ajoute un avocat.

Selon nos informations, un acteur bancaire traditionnel épluche actuellement les dossiers d’au moins 5 entreprises enregistrées PSAN auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). On en reparlera très bientôt dans The Big Whale 👀.

Signe qu’il pourrait se passer des choses sur le marché, toujours selon nos informations, la plateforme d’échange américaine Kraken, qui est l’un des leaders mondiaux du secteur, a sondé des acteurs tricolores dans le but d’un rachat. “Ils souhaitent se positionner sur le marché français”, affirme un patron qui a refusé une offre du géant.

Actuellement, Kraken est accessible pour les Européens, mais l’entreprise a l’interdiction formelle de les démarcher commercialement (avec de la publicité par exemple). Surtout, la plateforme ne pourra plus viser le marché européen sans PSAN à partir de 2025, date de l’entrée en vigueur de MiCA, le règlement européen qui va encadrer le secteur des cryptos.

“L’obtention du PSAN a été durcie ces derniers mois, du coup c’est beaucoup plus simple d’acquérir un petit acteur qui en est déjà titulaire”, indique le patron d’une start-up qui confirme l’intérêt de Kraken 👀.

Attention toutefois : racheter un PSAN ne permettrait pas à Kraken d’en bénéficier automatiquement. L’entreprise devrait passer devant l’AMF afin de faire valider la nouvelle structure. Elle suivrait ainsi l’exemple de l’américain Voyager qui avait absorbé LGO en octobre 2020.

“Un rachat n’interrompt pas l’activité, c’est donc très intéressant pour l’acquéreur”, rappelle William O’Rorke, avocat associé au cabinet ORWL, spécialisé dans les technologies de rupture. “Que l'AMF mette 2 semaines ou 4 mois pour traiter la demande, ce n’est pas un problème s’il y a une continuité de l’activité”, insiste-t-il.

Dès lors, c’est un jeu de poker menteur qui s’engage pour fixer le prix 💶. L’une des cibles de Kraken indique avoir reçu une offre d’environ 50 euros par client ayant fourni ses informations personnelles (KYC). Cela peut sembler peu, mais les entreprises qui souhaitent se vendre ne sont pas en position de force.

Si une société souhaite se vendre à un acteur à la recherche d’un enregistrement PSAN, il faudra de toute façon faire vite. Chaque mois qui passe fait baisser la valeur de cet actif réglementaire car celui-ci devra être remplacé mi-2026 au plus tard par un agrément PSAN (beaucoup plus difficile et coûteux à obtenir).

“C’est précisément pour cette raison que je ne pense pas que l’enregistrement PSAN soit un actif si valorisable que cela pour une start-up qui souhaiterait se vendre”, juge Nicolas Louvet de Coinhouse.

Dans tous les cas, pour une grande majorité de PSAN, le temps est compté.

* Réda Berrehili est actionnaire minoritaire à titre individuel de The Big Whale
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